Votre livre de chevet

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Ohtar Celebrin
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Re: Votre livre de chevet

Message par Ohtar Celebrin »

Oswald a écrit : 11 mai 2024, 21:03 Merci beaucoup pour ta réponse Usher qui m'éclaire quelque peu dans ces terres nébuleuses. C'est justement les liens de filiations qui m'intéressent, un peu comme en architecture si j'ose dire.

Pour te répondre Othar Celebrin, je partage un avis similaire concernant les comédies pour lesquelles je n'ai aucun intérêt. Seul Le dîner de cons trouve grâce à mes yeux. :D

N'étant pas à une contradiction près, j'ai une très grande affection pour Cyrano de Bergerac...
Mais ce n'est pas uniquement une tragédie, c'est d'ailleurs aussi une comédie par certains aspects !

Et oui, je suis d'accord avec toi, pour les comédies il est compliqué de s'élever au dessus de la farce convenue du rire sur commande.
Râler moins, rôler plus !
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kynan²
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Re: Votre livre de chevet

Message par kynan² »

Dans une bonne tragédie, tous les personnages finissent finement broyés et l'amertume se doit d'être totale. Pour les amateurs de café.
Pour les meilleures comédies, la légèreté masque la profondeur, on est plus dans le soda sucré, léger.

Et pourtant les deux genres ne sont PAS exclusifs. "La Vita è Bella" étant l'exemple le plus flagrant qui me vienne à l'esprit.
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Usher
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Re: Votre livre de chevet

Message par Usher »

A propos de la comédie, permettez-moi d'apporter mon grain de sel, ou plutôt celui de quelques frivoles comiques :

"Le roi rêve qu'il est roi, et vivant dans son illusion, il commande, il dispose, il gouverne. Et ces ovations qu'il reçoit et qui ne lui sont que prêtées, s'inscrivent dans le vent et en cendres la mort les change, cruelle infortune ! Et que l'on veuille encore régner, quand il faut finir par s'éveiller dans le sommeil de la mort ! Le riche rêve de sa richesse qui lui donne tant de soucis ; le pauvre rêve qu'il subit sa misère et sa pauvreté. Il rêve, celui qui commence à s'élever ; il rêve, celui qui s'agite et sollicite ; il rêve, celui qui offense et outrage. Dans ce monde, en conclusion, chacun rêve ce qu'il est, sans que personne s'en rende compte. Moi, je rêve que je suis ici, chargé de ces fers, et j'ai rêvé que je me voyais dans une autre condition plus flatteuse. Qu'est-ce que la vie ? – Une fureur. Qu'est-ce que la vie ? – Une illusion, une ombre, une fiction, et le plus grand bien est peu de chose, car toute la vie est un songe, et les songes mêmes ne sont que songes."

La Vie est un songe, II, 2, Pedro Calderon de la Barca. (Trad. Antoine de Latour)


"LE NOTAIRE. – Ce n'est point à des avocats qu'il faut aller, car ils sont d'ordinaire sévères là-dessus, et s'imaginent que c'est un grand crime que de disposer en fraude de la loi. Ce sont gens de difficultés, et qui sont ignorants des détours de la conscience. Il y a d'autres personnes à consulter, qui sont bien plus accommodantes, qui ont des expédients pour passer doucement par-dessus la loi, et rendre juste ce qui n'est pas permis ; qui savent aplanir les difficultés d'une affaire, et trouver les moyens d'éluder la Coutume par quelque avantage indirect. Sans cela, où en serions-nous tous les jours ? Il faut de la facilité dans les choses ; autrement, nous ne ferions rien, et je ne donnerais pas un sou de notre métier."

Le Malade imaginaire, I, 7, Molière


"BARTHOLO : Des fautes si connues ! une jeunesse déplorable !
MARCELINE, s'échauffant par degrés : Oui, déplorable, et plus qu'on ne croit ! Je n'entends pas nier mes fautes, ce jour les a trop bien prouvées ! mais qu'il est dur de les expier après trente ans d'une vie modeste ! J'étais née, moi, pour être sage, et je la suis devenue sitôt qu'on m'a permis d'user de ma raison. Mais dans l'âge des illusions, de l'inexpérience et des besoins, où les séducteurs nous assiègent, pendant que la misère nous poignarde, que peut opposer une enfant à tant d'ennemis rassemblés ? Tel nous juge ici sévèrement, qui, peut-être, en sa vie a perdu dix infortunées !
FIGARO : Les plus coupables sont les moins généreux, c'est la règle.
MARCELINE, vivement : Hommes plus qu'ingrats, qui flétrissez par le mépris les jouets de vos passions, vos victimes ! c'est vous qu'il faut punir des erreurs de notre jeunesse ; vous et vos magistrats, si vains du droit de nous juger, et qui nous laissent enlever, par leur coupable négligence, tout honnête moyen de subsister. […] Dans les rangs même plus élevés, les femmes n'obtiennent de vous qu'une considération dérisoire ; leurrées de respects apparents, dans une servitude réelle ; traitées en mineures pour nos biens, punies en majeures pour nos fautes ! ah, sous tous les aspects, votre conduite avec nous fait horreur, ou pitié !"

Le Mariage de Figaro, III, 16, Beaumarchais.
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Oswald
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Re: Votre livre de chevet

Message par Oswald »

Usher me prend en défaut avec sa belle prose, une botte littéraire qui touche.

Je vais reformuler avec moult étais, ma déclaration trop empressée. Je peine à m'intéresser aux comédies car, comme Ohtar Celebrin pour les tragédies, j'ai beaucoup de mal à y croire et m'y intéresser. Ma suspension d'incrédulité est érodée avant même le début de l’œuvre. Pour rebondir sur lesdites citations, ma première déclaration jugeait moins la qualité littéraire (que je peux apprécier) que l'histoire, sans doute parce que je suis addict à la catharsis.
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Oswald
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Re: Votre livre de chevet

Message par Oswald »

Ne respectant pas du tout ma propre liste de lecture, j'ai donc fait un détour par Dans la brume électrique avec les morts confédérés de James Lee Burke et datant de 1994 qui a bénéficié d'une adaptation cinématographique en 2009 avec Tommy Lee Jones et l'excellent John Goodman. Burke est un auteur à succès de roman policier et notamment des aventures de l'inspecteur Robicheaux dont le livre est la sixième aventure policière. Si le livre ne m'a pas transcendé, il m'a remis le pied à l'étrier, depuis quelques mois je peinais à lire.

Je ne suis pas familier du roman noir, ma critique sera donc ici celle d'un néophyte. J'ai trouvé le roman inutilement long, l'intrigue relativement plate et les descriptions (du pourtant sublime état de la Louisiane) très répétitives. Même si le traducteur s'efforce de faire de son mieux en glissant ici et là quelques notes pour mieux apprivoiser ce langage si particulier, on retrouve des phrases nominales rendues absurdes par une traduction maladroite. Ainsi après quelque chose de particulièrement "couillu", un personnage dit "Les billes d'acier" sans doute une traduction littérale de "Balls of steel". Aussi, l'expression "la marquise des arbres" revenant à de multiples reprises à travers le roman, m'a semblé un choix contestable car désigner la canopée par ce terme d'architecture... A l'opposé et même si visuellement c'est bien plus aisé, la saison 1 de True Detective m'avait marqué par le choix de faire de l'état du Pelican, un personnage mutique mais tellement expressif, dès son épisode 1 avec ce champ de cannes à perte de vue et ce chêne vert où l'on découvre la première victime. Je ne résiste pas à vous mettre une photo prise par un fan de ce lieu de tournage.

Image

Je vais donc reprendre tranquillement ma lecture de l'Ancien Testament et poursuivre en parallèle celle, déjà débutée, de Histoire de l'alimentation de Jean-Louis Flandrin et Massimo Montanari. Il est l'une des suites logiques de ma lecture de De l'inégalité parmi les sociétés de Jared Diamond que j'ai déjà évoqué plus tôt dans ce topic. Flandrin et Montanari qui encadrèrent de nombreux spécialistes et participant au livre, sont, au moins sur les 200 premières pages que j'ai lu, très intéressants. Il me reste 600 pages avant d'achever l’œuvre, mais c'est une pépite pour comprendre le rapport qu'à l'Homme à la nourriture objet de convoitise, de survive et de distinction de classe. Si je n'en suis qu'aux Romains, il me tarde de retrouver Massepain et Blanc-manger ! Affaire à suivre donc.

J'ai aussi étoffer ma PAL de plusieurs ouvrages, Histoire de la Louisiane française de Bernard Lugan suite à ma lecture de Dans la brume électrique avec les morts confédérés, Hamlet - Othello - Macbeth de Shakespeare afin d'étoffer ma culture des tragédies après Eschyle, La préparation du roman de Roland Barthes suite à la lecture de son excellent Racine l'an dernier, mais aussi Essais sur l'art de la fiction de Robert Louis Stevenson auteur écossais plus connu pour deux ouvrages majeurs que sont L'île au trésor et L'Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde. Mais également de La formation de l'acteur de Constantin Stanislavski qui aurait influencé de nombreuses stars du 7ème art dont Marlon Brando.

Les Œuvres complètes de Machiavel et Aube de Fer me toisent toujours depuis la bibliothèque, ils seront donc sans doute des intermèdes entre les différents livres du Premier Testament.
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Belphégor
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Re: Votre livre de chevet

Message par Belphégor »

Petite question parce que je cherche des sources pour l'inspiration.

Selon vous est le personnage historique dont la vie ressemble le plus à une histoire de Sword & Sorcery ? Je recherche principalement des personnages de l'antiquité mais si vous pensez avoir des candidats pertinents venant de d'autres périodes de l'histoire n'hésitez pas
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Rom1
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Re: Votre livre de chevet

Message par Rom1 »

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Usher
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Re: Votre livre de chevet

Message par Usher »

Belphégor a écrit : 17 mai 2024, 03:52 Petite question parce que je cherche des sources pour l'inspiration.

Selon vous est le personnage historique dont la vie ressemble le plus à une histoire de Sword & Sorcery ? Je recherche principalement des personnages de l'antiquité mais si vous pensez avoir des candidats pertinents venant de d'autres périodes de l'histoire n'hésitez pas
J'irais chercher du côté de Xénophon et de L'Anabase.

Incontournable : Alexandre le Grand. Ce roi génial et alcoolique qui conquit la moitié de l'Asie en chargeant à la tête de ses compagnons et mourut de fièvre après avoir failli périr de nombreuses fois sur le champ de bataille. Il faut se représenter le roi macédonien montant à l'assaut des remparts de Massaga ou d'Aornos, dans le Cachemire de l'actuel Pakistan, sur les contreforts de l'Himalaya, et prenant de vive force ces citadelles lointaines…

Moins connu, météorique et tragique : Julien l'Apostat. Issu d'une branche de la famille impériale décimée par Constantin, c'est un intellectuel bombardé général en Gaule au moment où l'Empire risque de s'effondrer sous la poussée des invasions barbares. Formé militairement sur le tas, il vainc les Germains, est proclamé empereur à Lutèce par ses légions, conquiert l'Empire, s'attaque à l'empire Parthe (Syrie, Irak et Iran actuelles) et trouve la mort en combattant à Ecbatane (non loin de l'actuelle Bagdad), dix-huit mois après avoir pris le pouvoir en Gaule…

Pendant la guerre de Cent Ans, incontournable : Bertrand Du Guesclin, le "Dogue noir de Brocéliande". Ou comment un chef de bande féroce, mais loyal, devient connétable de France. Du Guesclin était un gaillard d'une brutalité inouïe, capable d'arrêter un cheval de guerre d'un coup de poing…
Parmi les paladins oubliés du Moyen Âge, le chevalier Arnaut Guilhem de Barbazan.
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Oswald
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Re: Votre livre de chevet

Message par Oswald »

As-tu des biographies particulières en tête Usher, pour ces trois personnages haut en couleur ?
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Re: Votre livre de chevet

Message par Usher »

Oswald a écrit : 18 mai 2024, 08:15 As-tu des biographies particulières en tête Usher, pour ces trois personnages haut en couleur ?
J'ai cité ces personnages historiques en me fondant sur des souvenirs de lecture assez lointains.
Disons que je pourrais citer Alexandre le Grand de Roger Caratini, Du Guesclin de Georges Minois et Julien dit l'Apostat de Lucien Jerphagnon.
Jerphagnon est un biographe particulièrement intéressant car non seulement il écrit avec un style plein de caractère, mais, étant autant philosophe qu'historien, c'est un spécialiste de la pensée antique. Or Julien l'Apostat fut un empereur écrivain ; il fut l'auteur d'une correspondance abondante, de textes polémiques et satiriques (y compris une satire de lui-même, Le Misopogon !). L'empereur a en outre attaqué le christianisme dans des textes polémiques et très bien renseignés sur cette foi nouvelle. Cela lui valut la détestation durable de l'Eglise, qui en fit un grand persécuteur de chrétiens (ce qu'il ne fut pas exactement : il tenta juste de rétablir le paganisme et de souffler sur les braises des querelles entre chrétiens en… graciant les évêques exilés pour troubles à l'ordre public !) Jerphagnon nous livre donc aussi une analyse de la pensée de l'empereur, du moins ce que les siècles nous en ont livré. Si Julien l'Apostat n'a pas la hauteur de vue d'un Marc Aurèle, il reste un intellectuel assez intéressant, partagé entre éthique stoïcienne et théologie païenne, qui a eu tendance à verser dans la pensée magique à la fin de son court principat.
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Re: Votre livre de chevet

Message par Oswald »

Merci pour ces recommandations !

Je méconnaissais ton client et pour cause, après lecture de sa biographie sur Wikipédia, deux ans de règne, c'est bref. Comme beaucoup de monde j'ai une meilleure connaissance de cette période phare de la fin de la République puis du début de l'Empire. Si j'étais au fait de persécutions contre les chrétiens, j'ignorais qu'il existait des écrits pro-païens et contre le Christianisme à cette époque.
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Re: Votre livre de chevet

Message par Uodano »

J'ai fini il y a quelques temps la trilogie du chevalier aux épines. Et je me suis posé cette question : "pourquoi le tome 2 existe" ?
Ca m'a travaillé longtemps et j'ai eut ma réponse en visitant le musée Kunsthalle, à Hambourg.

Dans ce musée, il y a beaucoup de tableaux. Notamment "Voyageur contemplant une mer de nuages" de Caspard David Friedrich et "la convention des professeur de Hambourg" de Max Liebermann. Et j'ai été profondément touché par ces deux œuvres. J'ai frissonné devant la première, car j'ai senti que le peintre avait compris et racontait tout l'élan et la profondeur émotionnel qui peut s'emparer d'un humain quand il est émerveillé. Et j'ai rit devant le second car je me suis senti complice du professeur qui nous regarde, et qui semble s'amuser du débat autour de lui et s'en détacher.
Ce qui m'est apparut, c'est que Max Liebermann, dans son tableau, raconte une histoire. Voici celle que j'y ait vu : c'est l'histoire d'un prof qui est témoin du débat entre ses collègues. Lui même ne participe pas au débat, car au final il a dépassé ces questions car il a la connaissance large et ouverte (derrière lui se trouve une armoire remplie de livres illuminé). Il a atteint un état de sagesse et jette un coup d'oeil amusé et complice au spectateur.
A droite se trouve un groupe, celui qui cherche à convaincre les autres. Le prof, barbe blanche, calme, autorité sereine, semble envoyer des arguments convaincants. Mais il ne semble s'appuyer que sur un seul livre (celui sur lequel son bras droit est appuyé ; de plus, l'armoire à livres, derrière lui est sombre, ce qui suggère soit qu'il n'a pas lu les livres, soit qu'il n'y fait pas référence car il n'y a pas trouvé d'arguments validant).
Face à lui, deux groupes. Le premier est le groupe des contradicteurs. Ils sont trois, à l'écoute et en passe d'être convaincu mais avec encore des arguments à opposer.
Et derrière eux, le dernier groupe, ceux qui sont plus spectateurs, qui attendent la fin du débat pour savoir où se ranger...
Mais c'est le regard du prof, au centre, qui m'a fait rire. Comme si il savait l'idiotie et la vanité du prof à sa gauche, le barbu qui avance des arguments issu d'un seul livre.
Le prof central, n'a pas besoin d'être convaincu, il est serein et laisse dire, tranquille.

Ce sont des tableaux de l'époque romantique.
J'ai continué ma visite et j'ai vu d'autres tableau, de l'école moderne, ceux là. Beaucoup plus abstrait. Je n'y ai pas accroché car l'histoire qu'ils racontaient ne me touchait pas.

Et j'ai compris quelle est la différence entre les histoires : l'école romantique raconte, dans ses tableaux, des histoires basées sur l'humain, ses sentiments, ses relations au monde, ses relations aux autres. Se sont les sentiments humains qui sont finement analysés et mis en scène.
L'école moderne raconte l'histoire de son propre art. Comme les biologistes et naturalistes qui découpent une grenouille pour comprendre son mécanisme, l'école moderne, selon mon interprétation, découpe son propre art et l'expose le ventre à l'air. Ils épurent (une ligne devient une personne, une couleur devient tout un paysage) car ils questionnent non pas les émotions humaines mais comment leur art fonctionne. Et par là, comment eux même comprennent leur art.

C'est le même procédé avec les films bourré d'effets spéciaux ("regardez ce qu'on est capable de faire techniquement"), c'est la prouesse technique et la compréhensions profonde de leur art qui est mis en avant, non plus la compréhension des humains qui les entourent.

Et c'est là que je raccroche les wagons avec la trilogie du chevalier aux épines.
Le tome 2 est là pour ajouter quelques détails qui sublime le tome 3.
C'est comprendre que les détails comptent, c'est savoir prendre le temps de construire un récit émotionnel.

La plus belle scène du tome 3, celle qui m'a le plus marqué, c'est la scène de jalousie et de retournement du chevalier aux épines par la fée.
Il faut connaitre finement l'esprit humain pour construire une telle scène. Il faut faire partie de l'école romantique.

Je pense qu'on peut lire le tome 1 et le tome 3 à la suite. Mais se serait comme rater tout les détails signifiant d'un tableaux, détails qui lui donnent toute sa saveur.

Si un jour vous passez par Hambourg, allez au Kunsthalle pour rire avec ce professeur calme et sereinement complice.
Tout ce passera bien mais rien ne se passera comme prévu.
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Oswald
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Re: Votre livre de chevet

Message par Oswald »

Attention, il y a quelques spoilers dans ton propos. :D
De fait, il y en a dans ma réponse.

Uodano a écrit : 26 mai 2024, 12:17 J'ai fini il y a quelques temps la trilogie du chevalier aux épines. Et je me suis posé cette question : "pourquoi le tome 2 existe" ?
Ca m'a travaillé longtemps et j'ai eut ma réponse en visitant le musée Kunsthalle, à Hambourg.
Il faut relire, le très bref, chapitre 11 de Gagner la Guerre.
"Idéalement, il faudrait que je vois rapporte les deux récits, en parallèle, en essayant de vous tenir en haleine avec un entrelacement narratif à la mode des romans de chevalerie. Il serait même de bon ton que je joue les modestes, que je rapporte brièvement mes grenouillages de seconde zone pour m'effacer derrière les prouesses d'un sorcier basané"

p.1019, Matière de Leomance, Recits du Vieux Royaume

Mais ceci est plus un modique ajout de ma part à ton interprétation assez intéressante !
La plus belle scène du tome 3, celle qui m'a le plus marqué, c'est la scène de jalousie et de retournement du chevalier aux épines par la fée.
C'est l'une des plus réussies, avec la dispute qui s'en suis et qui m'a semblé très très réelle. On sent que le Rubicon est franchi et surtout on apprend quelques informations, qui peuvent avoir une portée méta, pas piquées des hannetons. Alors école romantique ou non, je ne saurais le dire, mais il faut savoir singer a minima les ruptures dramatiques. Bien que l'ayant lu à sa sortie, je garde en souvenir, un passage empreint d'adultère. Ce petit mélange tout à fait unique de déception, de trahison, d'orgueil blessé et de peine.
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Usher
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Re: Votre livre de chevet

Message par Usher »

Merci pour vos retours sur ce chapitre.

Ce qui donne le côté romantique de cette scène, c'est la combinaison des registres élégiaque, dramatique et polémique avec le recours à certaines hyperboles. Mais plus qu'une scène romantique, il s'agit d'un hommage au roman de chevalerie qui a produit des récits de tromperie et d'adultère devenus mythiques, parce que causes de la chute de héros (Tristan et Iseult), voire de royaumes entiers (la table ronde). Le cadeau empoisonné dans la boîte est également une référence au Lai du Rossignol de Marie de France (une autre histoire d'amour malheureux, quoique l'adultère ne soit pas consommé).

En tout cas, très heureux que la querelle semble réaliste parce qu'elle a lieu entre deux personnages qui ne s'expriment pas de la même manière. Conserver un caractère naturel à cette dispute, avec ses ruptures de rythme et ses emportements, dans un dialogue ou l'un parle en prose et l'autre en vers, a été un véritable cauchemar formel.
Shizen
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Re: Votre livre de chevet

Message par Shizen »

Merci pour ces précisions !
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