... laissez-moi ajouter un peu de contexte autour de mon emploi de l'adjectif "évidentes"
Je voulais dire que,
d'un point de vue grand public, ce n'est pas aussi central que le réemploi de noms de personnages de
L'Edda pour des personnages principaux des romans de Tolkien les plus connus.
L'emprunt au
Kalevala est en outre très ponctuel, puisque l'histoire de Kullervo n'est qu'un épisode parmi une foule d'autres dans cette épopée, tout comme l'aventure de Turin au sein du
Silmarillion (Turin a un rôle plus important dans le
Silmarillion que Kullervo dans le
Kalevala, cela dit). Ce n'est pas comme si Tolkien avait puisé directement chez Väinämöinen pour créer Gandalf ou avait repris le schéma de la quête du Sampo. Il faut donc vraiment rester attentif, quand on lit cette épopée-fleuve qu'est le
Kalevala, avant de déceler quoi que ce soit qui rappelle Tolkien.
Mais ce n'est pas si étonnant de la part de Tolkien, et pas très différent de sa manière de puiser à d'autres sources. Après tout, même le lien entre le mythe de l'Atlantide du
Timée et du
Critias et le destin de Númenor est tout sauf un simple décalque.
J'ai été frappé, aussi, par la différence de degré de merveilleux entre le
Kalevala et le legendarium de Tolkien, où la magie est bien plus discrète. Même la création du monde dans le Silmarillion m'a beaucoup plus fait penser aux récits de genèse bibliques — et au
Paradis perdu de Milton — ou encore à la
Théogonie d'Hésiode, plutôt qu'à la genèse relatée dans le
Kalevala, qui semble beaucoup plus proche des contes.
Je serais curieux de savoir si Tolkien s'est, en revanche, inspiré des choix stylistiques d'Elias Lonnröt pour le Kalevala, dans sa poétique en général ou dans ses choix lexicaux en particulier. À vue de nez, le style de Tolkien, même dans le
Silmarillion, ne devient jamais vraiment formulaire, et reste donc à bonne distance du style du
Kalevala ou de celui des épopées homériques, par exemple.