La sécheresse de cette année est une catastrophe. Les infos ont beaucoup couvert les incendies, mais il y a d'autres répercussions presque aussi néfastes à court ou moyen terme. Je le vois à l'œuvre presque chaque jour dans ma région, la Lorraine, d'habitude un coin de France qui ne manque pas d'eau. Les troupeaux essaient de paître des champs devenus des savanes. Les arbres meurent. J'ai eu un coup au cœur, hier soir, en découvrant un grand charme qui avait intégralement séché en huit jours. De larges parties des sapinières dans la forêt au-dessus de chez nous sont mortes.
Le déficit d'eau devient criant. Nous sommes sous arrêté préfectoral de sécheresse. Plus préoccupant encore, le débit de nos rivières a atteint son étiage et ne parvient plus à assurer la navigabilité. Une partie de l'économie locale tient au fret fluvial, or les biefs (tronçons entre écluses) sont fermés peu à peu. Un article du
Monde l'évoque ce matin :
"Le tronçon de la Moselle entre Neuves-Maisons et Fontenoy, ainsi que le port de Toul sont fermés depuis mercredi 10 août, pour débit insuffisant. Mais la rivière reste navigable entre Fontenoy (à côté de Toul) et la frontière luxembourgeoise, soit sur quelque 120 kilomètres. Si la navigation sur les canaux et les rivières aménagées pour le grand gabarit est maintenue (pour des bateaux emportant plus de 1 000 tonnes de marchandises), pour le petit gabarit (des péniches allant jusqu’à 250 tonnes), tous les canaux sont fermés, hormis quelques exceptions, comme la liaison entre Nancy et Strasbourg."
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A Toul, dans la grande station de pompage de la ville, les machines sont à l’arrêt, en raison d’un débit d’eau insuffisant. C’est dans cette station, sur la Moselle, qu’elle est prélevée pour alimenter le canal de la Marne au Rhin Ouest et pour fournir en eau la ville, qui s’alimente en ce moment dans un bassin de réserve. « Ils sont prioritaires, bien sûr, et nous, nous sommes tenus de respecter le débit réservé sur la Moselle, soit 3,15 mètres cubes par seconde, ici, à Toul », explique Jean Dethorey, 65 ans, chef de section de VNF à Toul. La situation est extraordinaire. « En trente-cinq ans de maison, c’est la première fois que cela s’arrête si tôt, nous avons trois semaines de décalage par rapport aux saisons précédentes », assure-t-il.
A Foug, à moins de dix kilomètres de Toul, l’enjeu est de maintenir à tout prix le niveau d’eau dans le bief n° 17. C’est dans ce tronçon que l’usine Saint-Gobain Pont-à-Mousson puise son eau pour refroidir ses hauts-fourneaux. « Ils ont une réserve d’eau qui leur permet de tenir quarante-cinq minutes si la prise par laquelle ils s’alimentent dans le canal venait à se boucher à cause des espèces exotiques envahissantes. Nous, on doit veiller à maintenir 2,20 mètres d’étiage dans le bief pour qu’ils puissent toujours s’alimenter », détaille Jean Dethorey.
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« On préserve le plus longtemps possible les activités économiques et industrielles. Ces grandes écluses, on ne les a jamais fermées, mais avec la situation actuelle, dans quelques semaines, on risque de condamner cinq biefs sur la partie amont de la Moselle, en gardant ouvert l’accès Nord au port de Nancy », témoigne Jean-Marie Muller, 64 ans, technicien gestion hydraulique du secteur Nord-Est de VNF. Mais ce choix priverait la grande aciérie SAM, la Société des aciers d’armature pour le béton, des arrivages de ferrailles à retraiter, nécessaires à sa production.
Corollaire de l'étiage des rivières, les cours d'eau sont envahis d'algues qui étouffent le biotope d'eau douce.