Godo a écrit : ↑02 déc. 2022, 18:12
Je relis Les Chevaliers du Tintamarre de Raphaël Bardas. Vous me faites un peu peur avec vos lectures et votre phrasé. Je me contenterais de dire que ça fleur bon le pavé, les dessous de bras et la bière bon marché, mais sans être dans l'imitation bas de gamme et caricaturé de Gagner la Guerre (comme Wastburg. Ce n'est qu'un avis personnel.)
(Disclaimer : je ne suis pas Cédric Ferrand !)
Je comprends que
Wastburg ait pu te faire cet effet-là, surtout si tu l'as lu peu après
Gagner la guerre. Mais ces deux romans sont assez différents dans leur approche de l'univers et dans leurs intrigues.
Gagner la guerre reste le récit d'une trajectoire individuelle, d'ailleurs relatée à la première personne, d'un assassin qui, malgré son rude parler, évolue au service de gens de "la haute". Rien de tel dans
Wastburg qui est un roman choral dont le personnage principal reste la ville, ou, si l'on veut, sa populace. Le vocabulaire mobilisé n'est pas le même : l'argot de Benvenutto puise dans la langue du XIXe siècle (et, sans doute, sur des mots resurgis d'époques plus anciennes encore), tandis que, de mémoire,
Wastburg s'appuie bien plus sur les expressions et tournures du XXe siècle, voire sur des mots familiers actuels ou quasi actuels.
Wastburg est bien plus urbain que
Gagner la guerre où, en dépit de la place importante réservée à Ciudalia, on voyage davantage. Ciudalia descend à moitié des villes romaines et à moitié des villes italiennes, tandis que Wastburg lorgne bien plus vers l'Allemagne et la France médiévale. Bref, en dehors du fait qu'on y emploie des registres familiers ou vulgaires à certains endroits, les deux romans n'ont pas grand-chose en commun.
Ils m'ont même l'air assez opposés dans leur propos :
Gagner la guerre montre comment un repris de justice finit, en somme, par servir les projets des hommes déjà au pouvoir, tandis que
Wastburg montre comment les "gardoches", représentants de l'ordre, se coltinent difficilement aux problèmes quotidiens de la population qu'ils sont censés encadrer mais dont ils font partie bon gré mal gré... et finissent par avoir eux-mêmes maille à partir avec leurs supérieurs.
Enfin, pour avoir lu plusieurs créations de Cédric Ferrand, livres (
Sovok,
Mon Almérique à moi) mais aussi jeux (
Raoûl 2e édition), son intérêt pour les milieux populaires (et l'amour-haine qu'ils lui inspirent) traverse tout son travail, et n'a rien d'une copie opportuniste d'un roman qui "a marché". Si Ferrand a mobilisé des souvenirs pour Wastburg
, il faut bien plutôt les chercher du côté de Pratchett et du
Disque-Monde ou du jeu de rôle de fantasy urbaine
Nightprowler pour lequel il a écrit.
Wastburg était assez tâtonnant dans son style et contenait des maladresses, mais l'auteur a gagné en maîtrise depuis.
C'est bon de s'enthousiasmer pour un livre (et j'ai moi aussi adoré
Gagner la guerre à sa parution), mais il faut aussi savoir aborder les autres sans les placer dans l'ombre portée de son dernier coup de cœur