J'ouvre le bal avec une proposition pour... roulement de tambour... RuneQuest, intitulée Le dessinateur ou Vous ne feriez tout de même pas de mal à un ami ?
Ce scénario n'est pas une création spécifiquement écrite pour le concours, mais une réécriture sous l'angle du concours d'une aventure initialement jouée à ma table dans le cadre de notre campagne (c'est en rédigeant l'épisode 11 de ma blog-série que je me suis rendu compte qu'elle collait assez bien au thème
).
[edit]J'ai profité du délai de grâce pour remanier le texte, corriger les erreurs, compléter et clarifier certains points. La version mise en page avec les stats des PNJ se trouve >>>
ici <<< [/edit]
Le dessinateur, ou Vous ne feriez tout de même pas de mal à un ami ?
Un scénario pour RuneQuest
Ce scénario, présenté dans le cadre du 51ème concours de la Cour d'Obéron, se déroule au village de Vivepierre, dans le clan du Taureau Bleu, en 1620. Dans cette histoire, les héros vont devoir affronter un ennemi d’un type inhabituel, puisque celui-ci se montre parfaitement amical, un peu trop en fait.
Le scénario est volontairement très ouvert quant à la manière de traiter le problème et se contente de proposer une situation dont la résolution exigera beaucoup d’initiative et de doigté de la part des joueurs, puisque l’antagoniste s’est assuré la pleine et volontaire coopération des villageois qui seront prêts à le défendre s’il le leur demande et qui n’hésiteront pas à prendre les armes contre ceux qu’il désigne comme une menace. Le livre de base est suffisant pour la meneuse de jeu, qui peut cependant trouver quelques informations utiles sur la nature de la magie, les runes et les Érudits de l’Ambigu (God Learners) dans le Glorantha Sourcebook. La puissance et le nombre des adversaires seront adaptés aux capacités des personnages-joueurs.
SYNOPSIS
Un sorcier lunar, initié d'Irippi Ontor s'est invité à Vivepierre et se comporte comme s'il était le maître des lieux. Il s'est installé dans la maison du chef de la communauté et la petite troupe de mercenaires qui l'accompagne a investi le village et loge chez les habitants.
Le plus incroyable est que personne ne semble trouver la situation anormale, émettre une protestation ou même remarquer que l'homme était un parfait inconnu il y a encore quelques jours.
Le seul à y objecter est Varog l'humakti, à qui son attitude suspicieuse et sa mauvaise volonté ont bien failli coûter la vie.
Les villageois sont sous l'effet d'un puissant sort qui les persuade que le sorcier est un ami dont l'existence leur est aussi précieuse que celle de leurs parents les plus proches. Ils seront prêts à tout pour faire plaisir à leur ami et le protéger s'il le faut contre ses ennemis.
Le défi pour les héros va donc être de déloger les intrus sans mettre en danger les habitants du village. Ils ne pourront pour cela compter que sur leur ingéniosité, avec pour seule aide celle d'un vieux guerrier et d'un valet de ferme.
INTRODUCTION
À proximité du village de Vivepierre, les héros traversent un petit bois lorsqu’ils sont interceptés par deux hommes visiblement aux abois. Ils sont sales, hirsutes et visiblement épuisés. Il s’agit de deux guerriers de Vivepierre, Varog l’humakti et Gillos le jeune orlanthi, qui se sont réfugiés dans les bois pour échapper à la foule de leurs compatriotes en colère qui les traque pour les éliminer. Varog a du mal à expliquer les événements récents, car il ne les comprend pas bien. Et il se sent d’autant plus seul que Chateau-Ciel (le chef-lieu du clan du Taureau-Bleu) ne lui a été d’aucune aide. Réduits à vivre comme des bêtes, ils demandent l'aide des personnages pour éclaircir cette affaire.
Note :
Si les personnages n'appartiennent pas au clan du Taureau Bleu, l'aventure commence alors qu'ils sont de passage sur la grande route longeant les bois qui bordent le territoire du clan. Les vertus orlanthies de générosité et de courage devraient motiver
Si les personnages sont des Taureaux bleus, la meneuse considèrera qu'ils sont de retour d'un voyage de quelques semaines. Les habitants de la Passe du Dragon voyagent beaucoup, que ce soit pour les cérémonies religieuses ou le commerce, pour se marier (le mariage orlanthi est traditionnellement exogame : les femmes quittent leur clan pour se marier), ou encore pour rendre visite à des parents.
UN VILLAGE EN PERDITION
Environ 10 jours plus tôt, un visiteur, manifestement lunar et civil, s’est présenté au village tôt le matin. Il était seulement accompagné d’un garde du corps et a déclaré s’appeler Hélias Ontorestor. Il a demandé très poliment à être reçu par le chef du village et Méric l’a invité à entrer. Moins d’une heure après, Méric annonçait à tous qu’Hélias était son ami personnel et qu’il fallait le traiter avec toutes les attentions dues à un invité de marque. Hélias étudiait la région et avait pour projet de représenter aussi fidèlement que possible ses habitants et leurs mœurs. Sans perdre une minute, Hélias, son garde du corps Taernius sur les talons, entreprenait donc de rencontrer chaque habitant afin d’en dresser le portrait. Il s’asseyait face à la personne et lui demandait de parler d’elle tout en la dessinant sur une liasse de papyrus à l’aide d’un porte-fusain en ivoire ouvragé. L’entretien était ponctué de questions, très anodines : « Comment vous appelez-vous ? Êtes vous marié(e) ? Avez-vous des enfants ? Combien et de quels âges ? etc.. Une fois le portrait terminé, Hélias le montrait à son modèle et concluait par cette phrase : « l’amitié commence par la connaissance. Va en paix, mon ami(e). » Varog, méfiant, a observé le manège en restant à distance.
Le lendemain soir, alors qu’Hélias avait catalogué tous les adultes, une petite troupe d’hommes armés investissait le village et s’installait dans les maisons, devant une population parfaitement indifférente, comme s’ils avaient toujours été là. Méric, pour sa part, restait invisible.
Lorsqu’il a décidé d’aller voir Méric, Varog a été accueilli à la porte par Hélias, se comportant en maître de maison et lui proposant d’entrer et s’asseoir pour parler calmement ensemble. Devant la méfiance visible de l’humakti et son insistance pour ne parler qu’à Méric, Hélias a haussé les épaules en marmonnant qu’il serait le seul responsable de ce qui allait se passer, avant de crier « Tuez l’Humakti ! » et de se réfugier derrière son garde du corps. Varog s’est alors retrouvé seul face non seulement aux hommes d’Hélias, mais aussi à ses propres concitoyens, tous bien décidés à lui faire un mauvais sort. Face au nombre et pour ne pas risquer de blesser un membre du clan, il a préféré se replier.
Blessé et traqué, il a
crapahuté à travers bois jusqu’à Chateau-Ciel pour demander l’intervention du chef de clan. Ce dernier a envoyé des hommes aux nouvelles, mais ils sont revenus en disant qu’ils n’avaient rien trouvé d’anormal à Vivepierre, si ce n’est que Méric était un peu souffrant, ce qui n’a rien de choquant à son âge, et ne les avait reçus que très brièvement sur le pas de sa porte. Guernoc, estimant que le vieux guerrier avait pu dramatiser la situation, lui a conseillé de rentrer chez lui et d'attendre dans le respect des lois de l'hospitalité que cet étranger s'en aille.
Remis de ses émotions, Varog est revenu rôder autour du village pour mieux comprendre à quel genre d’ennemi il avait affaire. Surprenant Gillos en train de patrouiller avec un des indésirables, sans doute à sa recherche, il a réussi à assommer son neveu (il lui a quasiment fendu le crâne avec une bûche) et à tuer le mercenaire qui l’accompagnait. Que ce soit à cause du coup sur la tête ou de l’éloignement du village, Gillos semble avoir recouvré son bon sens et s’avère incapable d’expliquer ce qui lui est arrivé. Tout ce qu’il peut dire, c’est qu’Hélias était son ami et que cela avait toujours été le cas, du moins jusqu’à ce qu’il se réveille avec une bosse sur le crâne et qu’il se rende compte qu’il n’avait jamais rencontré Hélias auparavant.
Au village, Hélias observe l’efficacité redoutable de sa relique, bien qu’il soit un peu agacé par la résistance d’Iggerne et, par ricochet, de Méric, sur lesquels il ne parvient pas à maintenir une emprise durable et qu’il est obligé de séquestrer chez eux. Il souhaite maintenant voir combien de temps il peut tenir une communauté de cette taille sous sa coupe. Par la suite, il envisage de tester la loyauté des habitants en créant entre eux des conflits ou en les poussant à agresser les ruffians qui lui servent d’escorte. Pour ce qui est de la troupe de mercenaires, ceux-ci sont ravis de leur situation : bien payés sans danger à affronter, ils sont dans le village comme en pays conquis, où ils peuvent abuser de leur autorité sur des victimes consentantes.
Hélias garde les dessins dans une écritoire portative en bois précieux qu'il conserve dans ses bagages.
Il y a cependant un point aveugle pour Hélias comme pour ses hommes, c’est Eristol, le valet de ferme et ancien esclave, qu’un vieux réflexe de conservation a poussé à se cacher depuis l’arrivée d’Hélias. Il se terre dans la cave d’affinage à fromages de la laiterie de son maître, observant les intrus à l’abri des regards, et ne sort que la nuit. Conscient de ses limites, il évitera l’affrontement, mais plantera sans hésiter sa fourche dans les reins du premier mercenaire qui s’attaquerait aux gens qu’il aime.
RÉSOLUTION
Les solutions présentées ci-dessous sont laissées à l’initiative des personnages. Voici quelques pistes, non exhaustives :
Ne rien faire
S’ils sont étrangers, les personnages peuvent décider de filer sans se mêler plus avant de l’histoire, au risque de voir leur honneur en pâtir (-5 % à la passion Honneur). S’ils appartiennent au clan, cette désertion leur vaudrait de perdre leur Honneur (-15%) et d’entacher leur Réputation (+1d6%) pour avoir trahi les leurs.
Attaquer les mercenaires
C'est une option très dangereuse, car ils sont nombreux et aguerris. De plus, ils recevront l'aide des villageois sous l'influence d'Hélias, dont trois guerriers compétents (Marog, Hervald et Minst). À moins d’un plan de bataille bien élaboré, l’affrontement risque de tourner à l’aigre.
La troupe se compose d'une quinzaine d'hommes dont les profils types sont détaillés ci-dessous.
Négocier avec Hélias
Il est envisageable pour des personnages très persuasifs de négocier son départ. Cependant, il reste extrêmement dangereux tant qu’il a son porte-fusain sur lui : même sans dessiner la personne, s’il peut lui parler, il est en mesure de troubler suffisamment son esprit pour la manipuler. Il n’a aucune envie de quitter les lieux aussi longtemps qu'il y sera en position de force.
Aller chercher de l’aide à Chateau-Ciel
Demander l’appui du chef de clan reste une option, mais nécessitera des arguments convaincants, puisque Guernoc Forte-Voix a déjà envoyé des hommes sur place, qui n’ont rien constaté de franchement anormal. Il faudra de plus être capable de proposer un plan d'action qui garantisse que les innocents ne soient pas trop malmenés.
CONCLUSION
L’érudit, comme ses employés peuvent être rançonnés s’ils sont capturés. En tant que lettré, Hélias peut être rendu à son culte contre la coquette somme de 1.000 lunars environ. La rançon du garde du corps peut monter jusqu’à 700 l. et celle des quinze mercenaires se situe autour de 500 l. chacun.
S'il vient aux personnages l'idée de liquider les nuisibles, il faudra apporter le plus grand soin aux rites funéraires si l'on veut éviter de se retrouver hanté par le fantôme en colère d'un puissant sorcier.
Le porte-fusains peut être vendu entre 500 et 1500 l., à condition de trouver un acheteur intéressé et suffisamment riche.
Les sommes éventuellement récoltées peuvent alimenter l’escarcelle de PJ étrangers, mais des PJ appartenant au clan les laisseront plus vraisemblablement au cercle clanique, qui leur en restituera une partie en récompense.
Le porte-fusains
Il s’agit d’un magnifique objet en ivoire conçu dans le but de créer la parfaite amitié entre les peuples grâce à la sorcellerie. Mêlant les pouvoirs des runes de l’Harmonie et de l’Illusion, il permet de lancer un puissant sort donnant à sa cible l’impression d’une affection sincère et profonde avec le sorcier, comme s’il s’agissait d’un proche parent ou d'un compagnon de longue date.
En termes de jeu, c'est une variante du sortilège « Dominer [espèce du sorcier] » qui crée chez la victime une passion de loyauté (à 90 %) envers le sorcier. La résistance de la cible (POU contre Force du sort) est abaissée de 5 % par phrase échangée avec Hélias. La victime reste sous emprise tant qu’elle reste à proximité de l’objet et l’effet s’estompe avec la distance. Un choc, physique ou émotionnel, ou encore la destruction du portrait, dans lequel Hélias investit beaucoup de magie lorsqu'il dessine, brise le sortilège. Un personnage-joueur maîtrisant la sorcellerie peut éventuellement essayer d’en comprendre les mécanismes, voire apprendre à l’utiliser. La magie de l’objet s’exprime grâce à la technique « Combiner ». Il lui faudra cependant s’harmoniser au porte-fusains (POU x1). Si le sorcier ne connaît pas le sort « Dominer », il lui faudra au moins une saison d’étude pour l’appréhender.
NB : la maîtrise qu’a développée Hélias, en particulier sa capacité à abaisser la résistance des cibles, résulte de nombreuses années d’étude.
PNJ (les statistiques complètes sont dans le fichier joint)
Hélias
Hélias est un sage d’Irippi Ontor dont l’amour de la connaissance surpasse toutes les autres passions. Il n'a rigoureusement aucun scrupule et ne voit pas le moindre inconvénient à pousser l'expérience jusqu'à la destruction de ses cobayes, car il œuvre pour la science. Il n'est pas courageux et il craint par dessus tout la violence physique à son égard. Menacé physiquement, il tentera si son garde du corps n'est pas en mesure de s'interposer. Hélias ne se bat pas : il paie Taernius pour cela. Capturé, il commencera par tenter de charmer ses geôliers en les flattant, avant de négocier sa libération contre une rançon conséquente. C'est un homme entre deux âges, aux cheveux grisonnants. Comme la plupart de ses coreligionnaires, il porte des robes brunes et arbore une moustache fournie.
Taernius
Taernius est un ancien officier de l'armée impériale. Il est grassement payé pour veiller à la sécurité de son employeur et lui est loyal à ce titre. Sa priorité est de protéger Hélias, mais il n'est pas prêt à mourir pour cela. il se rendra à un adversaire qu'il estime honorable, non sans avoir négocié le respect de l'intégrité physique de son patron.
Mercenaire supérieur
Vétéran de l'armée lunar ou de l'armée provinciale tarshite, il s'agit d'un soldat ou d'un sous-officier expérimenté, qui ne se laissera pas impressionner facilement. Il sait mesurer une situation et prendre des décisions tactiques.
Mercenaire de base
Homme du rang, il a servi dans l'armée impériale ou de l'armée provinciale tarshite pendant quelques années et a dilapidé son pécule de cabaret en tripot. Soldat médiocre, il sait se battre en formation, mais ne vaut pas grand chose seul.
Guerriers de Vivepierre
Si Marog, le jumeau de Varog, est un peu trop vieux et Minst beaucoup trop jeune, Hervald est extrèmement dangereux avec sa grande hache.
Dans l'idéal, les personnages ne devraient pas avoir à les affronter. Dans l'hypothèse d'une confrontation, la meneuse adaptera les quelques éléments suivants selon ses besoins.
Villageois type
Les vivepierrains sont des paysans, pas des combattants. En tant qu'hommes libres, ils savent bien sûr manier les armes traditionnelles orlanthies, particulièrement la lance avec un bouclier, mais à un niveau de compétence très médiocre. Les outils agricoles représentent pour eux une bonne alternative.
Si elles doivent se défendre, les femmes recourent à des moyens plus originaux, improvisant éventuellement à coups d'ustensiles domestiques, voire de manière beaucoup plus créative. Le cas échéant, la meneuse n'hésitera pas à chercher l'inspiration dans la magie runique offerte par Ernalda à ses initiées.
Eristol
Le fils de son riche maître tarshite s'étant inconsidérément engagé dans la légion après une nuit de beuverie, ce dernier a proposé au recruteur de l'armée provinciale de l'échanger contre un esclave et un pot-de-vin conséquent. C'est ainsi que le jeune homme est devenu soldat. Déserteur, il est arrivé sur les terres du clan du Taureau Bleu où il a survécu en volant de la nourriture. Capturé, il s'est vu proposer de travailler comme valet de ferme en compensation de ses larcins. Son ardeur au travail et son envie de bien faire lui ont rapidement valu de se sentir accepté et, pour la première fois de sa vie, respecté. Après quelques saisons, il a été officiellement adopté par le clan et découvre la vie d'homme libre.
C'est un garçon doux et pacifique, qui a retenu de son passé d'esclave qu'il vaut mieux se faire discret et rester caché si l'on veut éviter les coups. Il aime le travail à la ferme et tient énormément à sa famille d'adoption. Préférant la clandestinité, il ne s'attaquera aux envahisseurs que s'il n'y voit pas d'alternative.