Les Salons de La Cour

Les scénarios d'enquêtes ont la réputation d’être les plus difficile à écrire et faire jouer dans le cadre d'un jeu de rôle, les causes sont multiples, mais pour moi la principale difficulté vient de l'équilibrage. Une enquête doit être complexe et difficile (parce que sinon c'est pas une enquête) MAIS elle doit pouvoir rester SOLUBLE et c'est là que les choses se corsent fortement, parce que dans la vraie vie une enquête c'est difficile, les cold case sont légions, si déjà des gens dont c'est le métier galèrent imaginez des clampins lambdas réunis autour d'une table ?


Je pense qu'une grande partie des scénarios d'enquêtes se fourvoient, en effet la plupart des articles que j'ai lu (notamment sur PBTG) proposent de mettre le focus sur des indices préparés à l'avance par le MJ, ce qui a priori parait évident parce que c'est comme çà que fonctionnent les œuvres de fiction. Le problème c'est qu'opérer de cette façon présuppose une certaine façon de faire de la part des PJs, et que si leur méthode ne se conforme pas à l'hypothèse initiale du MJ, alors les PJs ne trouveront pas les indices, de plus si les PJs foirent tout leurs jets ils ne trouveront pas les indices non plus et ne pourront pas résoudre le scénario. Du coup pour palier aux faiblesses de cette structure j'ai lu beaucoup d'articles qui proposaient déjà 1) de multiplier les indices, 2) tout un tas de structures non linéaires : des structures en toiles d'araignée, en patte d'oiseau voir même soyons fou des structure en forme de solide de Calabi-Yau. Personnellement toutes ces structures me déplaisent fortement parce que 1) elles alourdissent considérablement la charge de travail pour le MJ, 2) beaucoup du travail abattu dans al préparation ne sera pas utilisé et 3) au final ces structures ne font qu'écoper le fond d'un navire avec une cuillère à café car la structure de base n'est pas la bonne.


Personnellement, j'ai une hypothèse, que malheureusement je n'ai pas eu l'occasion de mettre à l'épreuve de la table car çà fait longtemps que je n'ai pas fait de campagne pur "enquête".


L’hypothèse est la suivante, en théorie la seule chose dont aurais besoin un MJ pour faire jouer un scénario d'enquête est le déroulé des faits du crime, un déroulé préférablement exhaustif, minutes par minutes avec tout les personnages impliqués.Il ne faut SURTOUT PAS préparer d'indice à l'avance. Lorsqu'un joueur voudra chercher un indice, il suffira au MJ de se référer à son déroulé et de déterminer à quel point l'existence de l'indice recherché par le PJ est probable ou non, ce qui donnera la difficulté de son jet. Ainsi avec cette structure le MJ est potentiellement capable d'improviser n'importe quel indice dont auraient besoin les PJs.

Tellement d'accord

Je rajouterai juste un truc : la capacité des joueurs à "créer" des indices auxquels ne peut pas penser le MJ.

Je donne un exemple : un PJ ayant des compétences en géologie joué par quelqu'un ayant aussi des compétences en géologie qui a retrouvé la localisation quasi exacte d'un 4x4 avec la boue sur les pneus du fait de la précision actuelle des cartes sur la nature des sols.

Dans ce sens, cela veut dire que les PJ, un peu comme les personnages dans un film d'enquête d'ailleurs on intérêt à formuler leurs hypothèses à haute voix, dans le cas d'un film, ça permet au public de l'histoire de suivre, dans une partie ça permet à l'univers (i.e. le MJ) de produire les indices liés à cette formulation.

Le travail ce n'est donc pas la multiplication ou la complexification du scénario mais le briefing spécifique des joueurs en début de partie (en vrai, je pense que ça s'applique à la plupart des types de scénarios).

J’aime beaucoup les aventures d’enquête, en JdR, en romans, en films, en série télé.

Parmi les écueils à prendre en compte pour une aventure d’enquête en JdR, je retiendrai, en première approche, ceux-ci.

1. L’aventure très cadrée
Le MJ cadre tous les aspects : qui a fait quoi, comment pourquoi, etc.
Si les joueurs et les PJ qu’ils incarnent prennent des chemins de traverse, ils risquent de se perdre, et le recours à un artifice (un PNJ qui les remet sur la « bonne voie ») est susceptible de plomber la dynamique.
Je suis curieux, à titre personnel, d’expérimenter (il n’est jamais trop tard !) d’autres manières de jouer, comme se contenter de poser des éléments de départ, d’avoir sous le coude quelques éléments possibles pour le cours de l’aventure, et de laisser l’aventure se dérouler sur la base du plaisir des joueurs. Auquel cas le « pourquoi » (par exemple) n’est pas défini au départ et c’est au travers du jeu qu’il se définira.


2. Les indices
L’avancée de l’enquête dépend des indices recueillis. Si trouver les indices dépend de tirages aléatoires (je me souviens de l’importance de la compétence « Trouver objet caché » dans mes très anciennes parties de l’Appel de Cthulhu), le risque que les PJ passent à côté de certains indices est très prégnant.
Parmi les manières de contourner cela :
- la redondance d’indices ;
- la découverte d’indices d’une manière qui ne repose pas sur l’aléatoire. C’est la perspective choisie dans les jeux reposant sur le système Gumshoe.
Gumshoe


3. La déduction par les PJ ou les joueurs
L’avancée de l’enquête repose sur la capacité des PJ à croiser les indices. Or, cette capacité est, en fait, hybride : elle repose sur les talents (chiffrés ou pas) des PJ et sur les talents des joueurs. Le souci peut survenir quand les joueurs n’arrivent pas à déduire, à partir des indices que les PJ ont récolté, les dessous de l’affaire. Les manières de sortir de ces sables mouvants où joueurs et PJ sont pris ne sont pas toujours satisfaisantes : coups de pouce donnés par des PNJ, jet de dés de la « compétence qui va bien », etc. Je ne les trouve pas vraiment satisfaisantes en ce sens qu’elles reviennent à ce que ce soit le MJ qui raconte aux joueurs ce qu’ils n’arrivent pas à entrevoir par eux-mêmes.



En complément de nos cogitations ici, je suggère de jeter un œil sur :
- une (courte) discussion dans un forum voisin : MJ Flemmard et Scénars d'enquêtes ;
- une discussion (plus longue) chez nos voisins de Casus, suite à la même question posée par Belphégor : Ecriture d'un scénario d'enquête.

Et je ne doute pas que le compère Khelren saurait nous éclairer sur les jeux d'"enquête émergente", comme Brindlewood Bay.

De mon côté, je publierai sous peu une chronique sur le jeu Bubblegumshoe qui, comme son nom le laisse penser, est motorisé par le système Gumshoe, et proposer de jouer des aventures d'enquête en incarnant des lycéennes et lycéens dans une petite ville.

Xaramis a écrit : ↑11 janv. 2025, 11:27 Et je ne doute pas que le compère Khelren saurait nous éclairer sur les jeux d'"enquête émergente", comme Brindlewood Bay.

Sauf qu'on ne va pas rentrer dans le cadre de l'enquête selon Belphégor...

Belphégor a écrit : ↑10 janv. 2025, 22:59 Une enquête doit être complexe et difficile (parce que sinon c'est pas une enquête)

La définition de ce que doit être une enquête, c'est comme la définition de ce que doit être un jeu de rôle. Du moins, fut un temps.
Il existe d'autres manières de jouer qui ont fait disparaître les problèmes qu'on retrouve au sujet de l'enquête.
Mais pour ça, il faut accepter de revoir ses définitions.
Et justement pour élargir ses horizons, je recommande à chaque fois l'écoute de cet épisode de Radio Rôliste sur l'enquête, avec le compère Macbesse :
https://www.radio-roliste.net/magistrat ... -kouppi-2/
Cet épisode m'a amené à réfléchir à ce qu'est une enquête. Peut-être qu'il fera pareil pour vous ?

Je suis pas complètement convaincu par le système GUMSHOE mais il a été une proposition de solution pour régler un problème dans l'enquête. Même si par la suite je pense qu'on a fait mieux, il vaut le coup d'oeil.

Magistrats & Manigances.
Nuff said.

Rom1 a écrit : ↑11 janv. 2025, 16:47 Magistrats & Manigances.
Nuff said.

Comment dire "j'en ai dit assez", en chinois ?

我想我已經說得夠多了 ?

Personnellement j’ai toujours appliqué les bons conseils de la V1 française de l’Appel de Cthulhu (qui mériteraient d’être moins sous entendus certes ).
L’idée est assez simple et m’a toujours été utile pendant les longues années où je menais des parties de l’AdC à un rythme soutenu … et elle ressemble beaucoup à l’idée de départ de ce post :
Le meneur doit avoir une idée claire des lieux, protagonistes et événements concernés … et oui il peut y avoir des indices prévus pour faire avancer l’enquête … MAIS … aucun de ces indices ne doit jamais être la seule solution.
En fait , il faut laisser faire les joueurs … les laisser développer et tenter des idées très différentes, et récompenser les bonnes idées en accord avec le cadre.
En cas de gros blocage , de joueurs perdus ou sans idées , faire bouger le cadre en augmentant le niveau de pression sur les joueurs (pour incarner leur « échec » partiel).

Pour ma part, les dernières fois que j'ai eu à préparer ce type de scénario, c'est à peu près ce que j'ai fait : avoir un déroulé précis de ce qui s'est passé, pour pouvoir répondre aux actions des personnes en fonction de ce qu'il est possible de découvrir ou pas. Comme je les prépare en général sur des feuilles à grands carreaux, il y a des marges, dont je me sers pour mettre des idées d'indices : traces de sang, empreinte de main, objet déplacé.

Sinon c'est trop de travail, et je ne parviens pas à mener le projet à bout.

J'ai fait jouer (une grosse moitié) du scénario du Kit de démarrage de Blade Runner.

Pour la première fois avec un scénario d'enquête, je n'ai pas eu à prendre des notes car tout est parfaitement bien organisé et clair dans le livret ! (du moins ça correspond exactement à ma façon d'organiser les choses pour un scénario d'enquête).

Deux trois trucs qui me viennent en tête sur le sujet:
- Les indices sont fait pour être trouvés. Selon moi, ils ne doivent donc pas être soumis à des jets de dés ou à de l'aléatoire. Si un PJ cherche au bon endroit, il trouve, point.
- Le MJs doit jouer pour donner les indices aux PJs. La lettre pourrait être cachée dans la bibliothèque ou dans le coffre ou dans le frigo ou dans la culotte du majordome. Peut importe. Le MJ devrait être à l'affût du moment où il pourra donner l'indice ! (Ce qui revient à jouer comme le préconise Belphégor avec son approche en faisant popper des indices imprévus.)
(Par contre ne jouer QUE comme ça me semble compliqué car il devient difficile de juger "à la volée" de l'impact de l'indice ! (si l'indice est un témoin, il faut savoir ce que ce dernier a vu, ce qu'il n'a pas vu, ce qu'il souhaite révéler ou non... dur d'improviser tout ça !))
- Blade Runner mécanise aussi le fait que le coupable agit ! Avec des évènements qui arrivent si les actions des PJs ne les empêchent pas. (Youpi on sait qui est le coupable ! Dommage, il a déjà quitté le pays...)

Pour ma part, je trouve les scénarios d'enquête assez facile à meujeuter. Les actions des PJs sont relativement prévisibles (surtout en gardant en tête ce que j'ai dit auparavant) car il y a des liens clairs entre les indices, les lieux et les PNJs; le tout forme un cadre dont on sort assez peu (et un MJ peut tout à fait résumer une mauvaise piste avec un simple "Vous y passerez la journée mais vous ne trouvez rien de probant de ce côté là", afin de maintenir le rythme.)

J'ajouterais que le plaisir/la difficulté du scénario d'enquête peut avoir des objectifs variés en JDR:

Objectif de résultat: comprendre et trouver. Résoudre l'énigme.
Objectif de durée: résoudre l'enquête dans un laps de temps déterminé.
Objectif de moyens: résoudre l'enquête en respectant certaines règles (pour éviter un vice de procédure lors du procès)
Objectif de justice/moralité: résoudre l'enquête permet-il vraiment de faire triompher la justice ? Ou le crime lui même "rendait" justice ?

Bref, tout ne repose pas sur "l'ingéniosité du criminel" tel une énigme de Sherlock.
Une énigme très simple peut donner un scénario très intéressant à jouer: Le milliardaire qui a tué une prostitué et que tout accuse sans le moindre doute mais qui est aussi l'ami du président, qui a un cabinet d'avocat à sa solde et toute la hiérarchie des PJs dans la poche. Voilà un sacré défi !