Godo a écrit : ↑06 mars 2024, 11:47
Quand on y pense, il faudrait deux choses. Que Usher soit un dieu dans le Vieux-royaume, et que la magie elfe soit d'origine divine. Quelle magie en effet, un personnage qui soudoie son auteur !
Je profite de la boutade pour parler Magie et théorie dans l'univers du Vieux Royaume et surtout tambouille du grand tambouillardissime. Attention, si vous n'avez pas lu
Gagner la guerre, passez votre chemin, spoiler droit devant. Je vais également citer longuement (mais dans la bienséance du droit de courte citation) pour étayer une théorie portant sur les deux fils de la via Strettina, énigme non résolue semble-t-il à ce jour et avancer quelques éléments concernant la magie. Usher en rira peut-être sous cape (et derrière son écran) mais ça me turlupine depuis quelques années cette affaire-là, et je pense qu'on entre clairement dans "l'épaisseur de la fiction, du message ou de sa poétique.". C'est sans doute aussi l'une des forces du Vieux Royaume, ces ficelles et ses boites mystères qui font délicieusement spéculer les lecteurs, un peu comme les fans de
Lost en leur temps.
Je citerai en chapitre puisque les paginations varient entre le grand format, le poche,
Matière de Léomance etc.
Tout d'abord nous apprenons en V. Ciudalia que Clarissima confie à Benvenuto :
Mais il n’était pas là quand Sassanos a annexé tout le troisième étage de l’aile Zecchina. Il y passait l’essentiel de ses nuits, à organiser de drôles de sarabandes. Des fois, on aurait dit qu’ils étaient vingt, là-dedans. Et puis une nuit, toute la maison a été réveillée ! Il y a eu un grand choc sourd, pas très bruyant, mais qui a fait trembler les murs comme un coup de bélier. Juste après, le palais tout entier s’est mis à puer ! Une véritable infection, on aurait cru que des tombereaux d’ordures avaient été versés dans la cour. Ça a passé assez vite, mais c’était si fort que j’en avais les yeux qui pleuraient. Et le plus beau, c’est que le lendemain matin, une nef noire a quitté Dessiccada pour amener des prêtres du Desséché au port, et ils sont montés tout droit ici. Sassanos s’est retiré avec eux, ils ont parlé pendant plus d’une heure. Je ne te parle pas de l’état des domestiques : ils étaient terrifiés. J’ignore ce que Sassanos a raconté aux Embaumeurs de Dessiccada, mais c’est à ce moment que j’ai décidé de l’espionner.
Dans chapitre VII. Principes, de Corvilio, voici ce qui est porté à notre connaissance :
Un an plus tôt, les deux fils d’un savetier de la via Strettina avaient disparu ; phénomène malheureusement fréquent dans les quartiers pauvres ou sur la piazza Pescadilla, où des enfants des rues étaient souvent enlevés, embarqués clandestinement et revendus sur les marchés aux esclaves d’Elyssa et d’Ahawa. Mais cette affaire banale avait pris un tour inattendu, car les deux garçons venaient d’être retrouvés, quelques jours plus tôt, dans une impasse infecte proche du cloaque Azoteo. Les gamins avaient été découverts gisant sur le pavé, serrés dans les bras l’un de l’autre ; l’un des deux était mort, l’autre ne tenait plus à la vie que par un fil. Les témoins et les alguazils qui les avaient pris en charge avaient été effrayés par leurs stigmates : les deux garçons avaient eu les yeux crevés puis cousus, mais ces mutilations dataient sans doute de plusieurs mois. Pour ajouter à l’horreur, ces enfants avaient l’aspect de petits vieillards : ils étaient complètement blanchis, leur peau était livide, leurs gencives à moitié édentées, leurs mains déformées par quelque chose qui ressemblait fort à de l’arthrose. L’autre singularité venait de leur tenue ; quoique crottés, les vêtements qu’ils portaient n’étaient pas ceux de leur milieu. Il s’agissait de chainses douces, de pourpoints coquets et de haut de chausses à aiguillettes, taillés dans des étoffes luxueuses. Ces nippes hors de prix sur deux petits gueux martyrisés avaient provoqué une flambée de colère dans le quartier.
En poursuivant ainsi : je note plus loin de la bouche même de Sassanos:
En outre, je ne pratique que la Basse Magie
Par ailleurs , je relève aussi que dans XII. Exil :
« Si vous voulez, répéta-t-il avec une pointe de mépris. Ou plutôt non. Magie blanche, magie noire, cette classification n’est pas seulement vulgaire, elle est inexacte. Elle ne fait pas honneur à votre intelligence. Alors si vous tenez vraiment à savoir dans quel rituel vous avez trempé, ce que nous avons accompli, vous et moi, c’est de la Basse Magie.
— Et c’est pas de la sorcellerie ?
— Cessez de raisonner comme le rustre que vous n’êtes plus, don Benvenuto. Qu’elle soit Basse, Haute ou Vive, la magie est toujours de la théurgie. Elle procède toujours de la divinité.
— Vous voulez me dire que votre petit rituel pervers, c’est un machin religieux ?
— Dans une certaine mesure… Mais pas dans le sens où vous l’entendez. Je n’ai sollicité de nul dieu la grâce de vous transcender en champion.
— Je comprends rien à vos salades. Vous me dites que c’est divin et que c’est pas divin.
— Croyez-vous que la divinité se limite aux dieux ? »
Je remâchai un instant sa question. Le sous-entendu ne me plaisait guère.
« Je suis sans doute trop borné pour comprendre, grognai-je. Mais il y a un truc que j’ai pigé : vous lui avez volé son âme, au type qu’on a refroidi, vous et moi.
— Son âme ? Pourquoi se contenter d’une seule ?
— Pardon ? »
Il me gratifia de son sourire de hyène.
« Je lui en ai soustrait trois. C’était un minimum, pour vous redonner un peu de cœur au ventre, don Benvenuto. »
Plus loin lorsqu'il parle aux elfes de Bourg Preux, ceux-ci confient à Benvenuto :
La Basse Magie plagie le rite sans servir aucun culte : elle est fréquemment impie, ses envoûtements sont des insultes à l’ordre des religieux.
Pour résumer :
- Nous savons en V. Ciudalia, Sassanos a fait quelque chose qui a peut-être mal tourné, ce qui a attiré les disciples du Desséché avec qui il a dialogué voire marchandé.
- En VII, Principes, De Corvilio, Sassanos confie être voué à la Basse Magie, celle qui imite les rites (XII. Exil), et qu'on a retrouvé des enfants mutilés de longue date dont un mort et tous deux à l'aspect de vieillard, vêtus luxueusement. Vous me voyez venir ?
- En XII. Exil on apprend que Sassanos peut soustraire les âmes, ce qui n'étonne personne mais par contre il parvient a en soustraire 3 à une même personne. Si chacun n'a qu'une âme d'où les tenait-il les deux autres ? Enfin et cela répond en partie à la boutade de Godo, d'après Sassanos, toute magie procède de la théurgie.
Enfin on se souvient bien de comment ça se goupille dans le Palais Mastiggia entre lui et Lusinga.
Qu'est-ce que la thérugie : "forme de magie, qui permettrait à l'homme de communiquer avec les « bons esprits » et d'invoquer les puissances surnaturelles aux fins louables d'atteindre Dieu. Cette pratique s'oppose à la goétie." cette dernière étant l'invocation des démons. Dès lors, c'est l'organisation même de la Magie au sein du Vieux Royaume qui m'interpelle.