On a passé de très bons moments en regardant la mini-série
The good Lord bird.
Adaptée du roman de James Mc Bride, elle est consacrée à la (calamiteuse) tentative d'insurrection de John Brown en 1859. Personnage historique, Brown était un abolitionniste persuadé qu'il avait été investi de la mission divine de libérer les esclaves noirs d'Amérique. En conséquence il prit les armes à la tête d'une "armée" ressemblant plutôt à une bande de bras cassés et écuma le Kansas et la Virginie où il fit le coup de feu contre les chemises rouges et où il assassina des fermiers esclavagistes. Il termina sa sanglante trajectoire dans la bataille de Harpers Ferry, où sa bande se fit décimer après s'être emparé d'un arsenal militaire. Condamné à mort, il sensibilisa l'opinion à son combat en attendant sa pendaison : des écrivains comme Henry David Thoreau (brièvement cité dans la série) et Victor Hugo prirent en vain sa défense. La chanson
John Brown's Body, renommée
The Battle Hymn of the Republic, devint un hymne nordiste pendant la guerre de Sécession.
La mini-série reprend une invention du romancier James Mc Bride : le narrateur qui nous raconte l'histoire de John Brown est un adolescent noir, Henry, dont le père a été tué au cours d'une fusillade entre Brown et des fermiers esclavagistes. A la suite d'une méprise dans la confusion de l'escarmouche, Brown prend Henry pour une fille, Henrietta ; il l'affranchit et la prend dans sa bande pour réparer son erreur. Henry/Henrietta, qui n'ose pas contredire Brown, est donc travesti pendant toute l'équipée du "vieux Brown".
Il en résulte une série qui oscille sans cesse entre le burlesque et le tragique. Son contenu politique est très net – ce serait la seule série regardée et admirée par Barack Obama en 2020. Outre la question sans doute anachronique du genre posée par le personnage d'Henrietta, elle soulève de multiples problématiques : celle du rapport entre opprimés et libérateurs quand ceux-ci appartiennent à la classe des oppresseurs ; celle de la fin et des moyens, Brown, au nom de la justice, ne reculant devant aucun crime pour défendre la cause des noirs. Mais n'allez pas imaginer une série qui se prend au sérieux.
The good Lord Bird est tout le contraire. Brown est un illuminé qui prêche avec une bible dans une main et un colt dans l'autre : il est à moitié fou, aussi idéaliste que naïf, et encore plus logorrhéique que pistolero. (Ethan Hawke, qui le joue, est extraordinaire, à mille lieues des rôles de beau ténébreux dans lesquels on l'a souvent vu.) La plupart de ses plans sont foireux et tournent court – il le paie cher, voyant ses fils mourir les uns après les autres au fil des fusillades qui égrènent son équipée. Les rôlistes que nous sommes se retrouvent immanquablement dans ses mésaventures picaresques et sanglantes. Méprises imbéciles, plans tirés sur la comète, assassinat du PNJ allié, aveuglement stupide, à peu près tous les ratages y passent et ne peuvent donc déboucher, au terme d'aventures héroï-comiques, que sur un finale catastrophique. Il y a parfois quelques longueurs, mais la reconstitution de l'Amérique des années 1850 est assez magistrale. Le tour de force de la série est vraiment l'équilibre entre la drôlerie et le tragique.
