Pffff, quelle bande de lâcheurs...

Allez zou. A mon tour. J'ai retenu l'option "texte brut". Comme pour le précédent, je pense que je mettrai sur
Mondes en Chantier des illustrations ou des liens vers de la documentation.
Les principes délétèresUn scénario pour Ombres & LumièresRésuméUn jeune juif du Ghetto se laisse corrompre par un vieil acariâtre. Ce dernier l’incite à participer à une opération d’empoisonnement de son mortel ennemi. Le jeune juif échoue et se débarrasse maladroitement du poison dans un puits. A la suite de cela, plusieurs personnes sont prises d’un mal inconnu. Des rumeurs de peste parcourent la cité des Doges. D’aucuns soupçonnent les juifs d’avoir empoisonné les puits. Et si, pour une fois, cette rumeur nauséabonde était, d’une certaine façon, fondée ?
Conseils préalablesCe scénario se déroule dans la Venise de la seconde moitié du 18ème siècle. Il est conçu pour correspondre au cadre et à l’esprit du jeu de Xaramis,
Ombres & Lumières. En raison de l’indisponibilité momentanée de ce jeu

, ce scénario pourra être joué avec n’importe quel système light mais réaliste et quelques sources de renseignements sur la cité des Doges à cette époque.
La date précise du scénario n’est pas, dans l’absolu, très importante mais il est conseillé de le situer peu de temps après les années 1776-1778. Ou mieux, même, pendant ces années-là. En effet, ces quelques années voient à plusieurs reprises la révision de la
Ricondotta, le texte juridique concédé par les Doges et qui définit le statut des juifs du Ghetto de Venise. Alors que la Sérénissime avait toujours eu la réputation de se montrer plutôt ouverte et tolérante vis à vis de ses juifs, ces révisions vont dans le sens d’une plus grande dureté. Ainsi, il n’est plus autorisé aux résidents juifs d’employer du personnel chrétien ou, surtout, pour ce qui va intéresser le thème de ce scénario, il leur est désormais fait interdiction de commercer les produits alimentaires. Cela laisse imaginer le climat de suspicion qui règne alors dans la Cité comme, il est vrai, sans doute, dans toute l’Europe.
Les personnages des joueurs peuvent avoir à peu près tous les profils possibles. Ils doivent toutefois tous être des proches d’un des protagonistes du scénario, Giuseppe Vicario. Celui-ci était déjà un PNJ central du précédent scénario « Un c(h)oeur plein d’illusions ». Idéalement, le présent scénario en sera la suite. Il reprend en effet un certain nombre d’éléments de celui-ci. Pour la chronologie, il peut être placé seulement quelques mois après ou, mieux, quelques années. Durant ce laps de temps, les PJs n’ont plus eu beaucoup de nouvelles du bon luthier qui, terrassé par le chagrin, s’est de plus en plus enfermé dans son atelier.
Le cas de l’intégration des PJs dans le scénario sera spécifiquement traité dans le paragraphe « Entrée des artistes ».
OuvertureUne large partie de l’intérêt de ce scénario repose sur l’ambiance bien plus que sur l’intrigue ou que sur les actions des personnages. Le MJ devra donc veiller à distiller, dès le début de la partie, cette ambiance spécifique.
Voici quelques points importants qu’il lui faudra mettre en avant au fil des déplacements et des rencontres des personnages :
· c’est la
canicule ; le scénario se déroule durant une chaude fin d’été, l’air est étouffant et le vent venu de la lagune ne parvient pas à rafraîchir l’atmosphère. Les passants, comme les chats, cherchent l’ombre des
calle les plus étroites. Les exhalaisons des canaux les moins bien curés commencent à être insupportables par endroits. Les réactions des habitants sont contrastées mais toujours surprenantes : certains semblent amorphes, comme terrassés par la chaleur écrasante, d’autres semblent à bout de patience, prêts à exploser, les nerfs chauffés à blanc.
· la ville souffre d’une inquiétante
pénurie d’eau ; à Venise, l’approvisionnement en eau potable a toujours été un problème majeur. A fortiori au sortir d’une période de sécheresse intense comme c’est le cas au début de ce scénario. Les puits et citernes sont déjà en temps normal sous dimensionnés pour la population de la Cité mais là leur niveau baisse pendant qu’ils sont sollicités comme jamais par des habitants assoiffés. De nombreuses petites anecdotes pourront être mises en scène par le MJ dans ce sens : l’eau des PJs est rationnée dans les auberges ou
osteria qu’ils fréquentent, un couple se dispute dans la rue à propos d’une cruche renversée, des matrones encombrées de cruches vides expriment leur mécontentement pendant qu’elles sont refoulées sans ménagement par des gardes qui viennent de faire fermer un puits à sec, des vendeurs d’eau venus de Mestre accostent le long des quais d’un petit canal pour vendre à prix d’or de l’eau fraîche venue de l’intérieur des terres…
· le climat est à
l’antijudaïsme, voire à l’antisémitisme de plus en plus marqué au fil du scénario ; rappelons d’abord que la chose n’est pas si courante à Venise, ville ouverte à toutes les influences, notamment orientales et, en cela, naturellement portée vers la tolérance et le multiculturalisme. Tous les PJs, qu’ils soient vénitiens ou simples voyageurs savent cela et le MJ devra bien prendre garde de le leur rappeler. Comme on l’a vu plus haut, la situation s’est quelque peu dégradée récemment, sans doute alimentée par les aigreurs suscitées par le lent déclin de la ville. Toutefois, la tolérance ou, au pire, l’indifférence caractérise encore les relations les plus courantes entre Vénitiens chrétiens et juifs résidents dans le Ghetto. Or, en ce début de scénario, cela ne semble plus le cas et le MJ devra là aussi mettre en scène un certain nombre de petits évènements qui, mis bout à bout, informeront sans ambiguïté les PJs du climat exceptionnel du moment. Cela pourra bien sûr être des conversations acides, des quolibets ou des menaces proférés sur le passage d’un juif, de cruels jeux d’enfants ou, enfin, une agression physique qui se terminera sans trop de mal par l’intervention de passants modérés ou, mieux, des PJs.
La peste !?Une fois l’ambiance installée, après que les joueurs aient fait quelque peu évoluer leurs personnages dans la Cité et les faire vaquer à leurs éventuelles occupations, le moment est venu pour le MJ de précipiter les évènements en les faisant assister fortuitement à une scène qui va les conduire à comprendre qu’il se passe des choses inhabituelles dans la Cité des Doges écrasée par le soleil.
Alors qu’ils traversent l’anecdotique
campo delle gate (la place des chats…) pour se rendre chez une de leurs connaissances (ou chez un commerçant ou peu importe, à vrai dire…) dans une partie populaire du quartier de Castello (à l’est de la ville), l’attention des PJs est attirée par des cris venus d’une des maisons bordant la place. A sa fenêtre, une forte femme d’un âge déjà avancé crie après le pauvre bougre qui est sans doute son époux qui sort de la maison en titubant. Des quatre coins du
campo, des rires et autres remarques amusées fusent déjà. Toutefois, tous s’arrêtent lorsque l’homme s’écroule sur le pavé, gémissant et se tordant de douleurs. La femme pousse un dernier cri strident avant de s’évanouir derrière ses persiennes.
Les PJs accourront sans doute pour venir en aide à l’homme. Ils ne sont pas les seuls et, très vite, une trentaine de voisins de tous âges et sexes sont agglutinés en plein soleil au milieu du
campo. L’homme, âgé d’une quarantaine d’années mais émacié et le cheveu rare, en parait dix de plus. Il se tient les entrailles, gémit et bave abondamment. Il semble avoir du mal à respirer. Son teint est étonnamment pâle, faisant ressortir le bleu de ses veines. Il est très près de tomber inconscient. Un PJ médecin peinera à donner un diagnostic au premier coup d’œil. Il est par contre certain que l’homme est dans un état grave et que cela n’a, bien évidemment, rien à voir avec l’abus d’alcool.
Alors que les observateurs les plus raisonnables (au nombre desquels, sans doute, les PJs) mettent l’homme à l’ombre et tentent de lui trouver une eau fraîche et saine, que quelques matrones s’inquiètent de l’état de la femme, d’autres voisins, semblant avoir déjà enterré le pauvre malade, commencent à s’exciter, à parler haut et fort. S’ils s’intéressent à leurs gesticulations, les PJs peuvent noter dans le brouhaha incohérent la redondance de deux termes trop souvent associés au fil des siècles « peste » et « juifs ».
Au bout de quelques minutes, la garde de la Sérénissime arrive. On fait amener le mourant et disperser la foule. Celle-ci rechigne et quelques insultes fusent. La foule semble vraiment avoir quelque chose à reprocher aux autorités. Cela incite les gardes à faire preuve de zèle et ils se mettent à relever le nom des présents. A moins qu’ils se soient éclipsés dès leur arrivée, les PJs n’y coupent pas.
Si les PJs restent, ils constatent que, dès le départ de la garde, les conversations enflammées du voisinage repartent de plus belle. Ces gens simples sont angoissés et ne demandent pas mieux que de partager leurs inquiétudes avec d’autres Vénitiens. Il apparaît que suite à plusieurs cas de maladies inexpliquées, les gens du peuple commencent à évoquer l’apparition d’une possible peste (ou, tout du moins, une épidémie quelconque se cachant derrière ce nom générique et anxiogène). Comme il est notoire (les PJs pourront le savoir ou le vérifier aisément) que la peste n’a plus frappé de façon significative la Cité des Doges depuis 1630, cette soudaine épidémie inquiète : on s’interroge sur sa nature et sa provenance. En pareil cas, les regards soupçonneux se tournent vite vers les juifs. Comme ailleurs en Europe, une réputation calomnieuse en fait de possibles empoisonneurs de puits, de sources ou d’aliments. Enfin, la garde a été prise à parti car la populace estime globalement que la Sérénissime se montre trop laxiste vis à vis des juifs qui, « c’est bien connu » (et là, comme on l’a vu, un PJ renseigné se montrera plus nuancé), sont comme coqs en pâte à Venise.
En conclusion et à moins que les PJs aient pu, par leurs discours, apaiser les esprits, quelques jeunes excités s’en vont séance tenante vers le Ghetto pour aller voir « ce que les Juifs trament ». Le plus inquiétant est que certains s’équipent de bâtons et de pierres avant de se mettre en chemin.
Entrée des artistesLes évènements de la Scène précédente peuvent être une première porte d’entrée pour intégrer les PJs à notre intrigue. Toutefois, elle est incertaine. Non seulement les personnages peuvent préférer ne pas intervenir et, même dans le cas inverse, rien ne dit qu’ils chercheront à aller plus loin qu’une simple mission ponctuelle de juge de paix.
A moins, donc, que les PJs ne s’intéressent spontanément, par simple curiosité, à l’intrigue, voici trois cas qui peuvent se présenter à eux, en fonction du profil de leur groupe :
· si les PJs appartiennent au monde éclairé, s’il y a parmi eux des philosophes ou de simples passionnés de la Raison et de la tolérance, s’ils possèdent des amis juifs ou même mieux, que l’un d’entre eux est juif, ils se sentiront sans doute spontanément concernés et voudront très certainement partir au secours des juifs en tirant l’affaire au clair. Si l’idée ne leur vient pas spontanément, les amis qu’ils rencontreront au début du scénario les inciteront à enquêter et à faire triompher la vérité dans ces sombres affaires.
· si les PJs sont des « enquêteurs » (aventuriers, diplomates ou espions en quête d’engagement, spadassins désoeuvrés…), ils seront contactés et engagés sur leur réputation naissante (peut-être suite à l’affaire de « Un c(h)oeur plein d’illusions » ?) par Patrizio Cosenza, un noble patricien. Celui-ci loge toute sa famille et ses affaires (plutôt florissantes) dans un vaste
palazzo situé sur le
campo Manin. Il se demande s’il doit, comme certains de ses voisins, fuir la Cité pour aller se réfugier sur la Terre Ferme. Cela contrarie beaucoup ses affaires comme ses ambitions politiques et lui pense, personnellement, qu’il ne s’agit pas d’une véritable épidémie. Il charge donc les PJs de le rassurer sur ce point en découvrant d’où vient cette maladie inconnue.
· si les PJs sont d’une morale douteuse (escrocs, joueurs professionnels, courtisanes…) et que leur nom a été relevé par la garde dans la scène précédente, ils auront la désagréable surprise d’être visités par des enquêteurs de la Sérénissime. Interrogés sans ménagements, les PJs comprennent vite qu’ils sont suspects dans cette affaire. Il ne leur ait encore rien reproché de très précis mais ils semblent avoir été là au mauvais moment… ce qui peut faire beaucoup si cela a déjà été le cas lors de « Un c(h)oeur plein d’illusions » ! Les PJs ne seront pas plus inquiétés mais auront peut-être à cœur de faire toute la vérité sur l’histoire afin de pouvoir, en cas de besoin, se disculper. C’est toutefois l’angle d’approche du scénario le moins évident.
Le Ghetto assiégéIl semble inévitable que, tôt ou tard, les PJs se rendent au
Ghetto Nuovo, le principal quartier juif de la ville. Ils le feront peut-être précipitamment pour prévenir de l’arrivée des jeunes excités ou plus tranquillement, plus tard, pour y enquêter sur une affaire qui, qu’ils le veulent ou non, concerne les juifs de Venise.
Le
Ghetto Nuovo se situe au Nord-Ouest dans le quartier de Canareggio. Il s’agit d’un quartier fermé dont l’unique et étroite entrée publique se situe, durant notre scénario, sur les
fondamente (les quais d’un canal)
di Canareggio. Il existe d’autres entrées encore plus discrètes que, toutefois, les Juifs peuvent fermer et contrôler de l’intérieur de leur quartier réservé. L’habitat y est assez remarquable dans le sens où il n’est pas rare que les immeubles y atteignent 6 ou 7 étages de haut ; en effet, le quartier n’est pas très étendu et la communauté juive reste assez importante, malgré les départs de ces dernières décennies. De fait, les juifs les plus aisés ont souvent quitté le quartier, voire la ville, pour trouver ailleurs de meilleures affaires dans lesquelles investir. Dans la seconde moitié du 18ème siècle, le Ghetto est donc plutôt en déclin.
Lorsque les PJs arrivent devant l’entrée du Ghetto, quel qu’en soit le moment exact, ils trouvent déjà une foule agglomérée et surexcitée. Les gens, des jeunes pour beaucoup, brandissent des bâtons et, de temps à autre, jettent des pierres contre les façades, les accompagnant de copieuses insultes et menaces très sérieuses sur la sécurité des familles juives que l’on devine apeurées et calfeutrées dans leurs intérieurs.
L’étroite
calle qui constitue donc le seul accès au Ghetto est occupée par une bonne douzaine de gardes en armes. Ils ont été déployés là par la Sérénissime qui entend ainsi maintenir l’ordre et protéger les résidents juifs dont les droits (certes restreints…) sont garantis par écrit par la fameuse
Ricondotta. A nouveau, faute de pouvoir passer leur haine sur quelque juif, les émeutiers se font un devoir de harceler les hommes de troupe de fruits trop mûrs et de quolibets sur leur prétendu manque de foi chrétienne.
Il est ici peu de choses que les PJs puissent faire. Si telle était leur idée en venant, les PJs sont bien obligés de constater qu’il est impossible de pénétrer dans le Ghetto. D’autre part, autant il est possible à de beaux parleurs de calmer un groupe de quelques personnes, autant il est vain d’espérer tirer quoi que ce soit de cette meute. Le mieux est encore de se mêler à la foule haineuse pour en tirer quelques renseignements. D’autres informations pourront être obtenues auprès des gardes à condition de pouvoir les approcher sans encaisser un coup de crosse intempestif : ils sont, comme on le devine, très tendus. Ces renseignements seront choisis par le MJ dans le paragraphe suivant.
Premières investigationsCes informations sont les bases nécessaires à toute investigation. Elles sont pour la plupart très faciles d’accès et pourront être obtenues autour du Ghetto, auprès des autorités de la Sérénissime ou grâce aux contacts habituels des personnages.
·
l’épidémie : en fait, la rumeur publique semble avoir largement amplifié les faits. Il y a au plus une cinquantaine de personnes qui, actuellement, présentent des symptômes similaires à l’homme du
campo delle gate. Certains sont morts, la plupart très souffrants. Ce qui renforce l’hypothèse de l’épidémie inconnue, c’est leur extrême concentration autour de quelques rues du quartier de San Marco. De plus, la plupart des victimes sont pauvres. Proximité, conditions de vie insalubres… l’hypothèse d’une propagation épidémique semble plausible. Si on y ajoute la chaleur extrême, le maque d’eau vraiment potable, les rats qui prolifèrent… là encore, un médecin pourra trouver l’hypothèse raisonnable. Toutefois, cette propagation semble tout de même bien restreinte et aucun médecin n’a pu établir clairement sa nature.
·
l’attitude des autorités de la Sérénissime : le gouvernement est bien conscient du risque à la fois sanitaire et politique que provoque la situation actuelle. Le peuple est déjà à bout de patience du fait de la pénurie d’eau et la situation menace de dégénérer en émeutes. Les autorités ont donc rapidement pris des mesures énergiques. Il s’agit d’un côté, bien entendu, d’enquêter sur la nature et l’origine exacte de l’épidémie. D’autre part, des mesures spectaculaires de prévention ont été prises : notamment la fermeture de tous les puits quasiment à sec ne contenant plus qu’un fond d’eau saumâtre dangereuse pour la consommation et même la mise en quarantaine de tous les navires considérés comme « suspects ». Enfin, il s’agit également de maintenir l’ordre public en protégeant les juifs de la colère de la foule.
·
les récriminations de la foule : on l’a compris, la foule agglutinée devant l’entrée du
Ghetto Nuovo tient les juifs pour responsable de cette épidémie. Comme le veut une douteuse tradition, ils sont soupçonnés d’avoir empoisonné les puits. Sans que les choses soient très claires dans leur esprit, certains émeutiers assurent qu’il y a dans le quartier de San Marco des soupçons bien étayés contre des juifs. Mais le mécontentement est tout autant tourné vers les autorités accusées de laxisme voire de complicité. Ainsi, les plus érudits agitent-ils comme une preuve irréfutable l’autorisation faite en 1703 par le gouvernement aux juifs de se servir de tous les puits de la ville et non plus ceux du seul Ghetto. Si on y ajoute que les autorités font fermer de plus en plus de puits, soi disant pour cause de sécheresse, c’est bien le signe qu’ils sont au courant d’un vaste complot d’empoisonnement…
Retour au campo delle gate Peut-être par simple politesse, peut-être parce qu’ils perçoivent là-bas quelque chose de louche, les personnages voudront sans doute retourner au
campo delle gate pour savoir ce qu’il est advenu de l’homme malade.
Dès le lendemain de l’incident, il est, hélas, possible d’apprendre de la bouche de sa femme ou de ses voisins que, amené à l’hôpital du
Lazaretto Vecchio, l’homme y est décédé dans la nuit sans avoir jamais vraiment repris connaissance.
Par une rapide enquête de voisinage, il est possible d’en apprendre un peu plus long sur cette victime de l’épidémie. L’homme s’appelait Germano Sagredo. Il travaillait occasionnellement comme journalier et homme de charge mais n’était guère connu dans le
sestiero pour son ardeur au travail. Il vivait depuis des années dans une modeste maison sur le
campo avec sa femme Serena. Celle-ci supportait mal sa fainéantise et ses abus de boisson. Ils se disputaient souvent. Si les PJs insistent dans leur enquête, ils peuvent établir que l’homme avait pris ses habitudes le plus loin possible de son épouse chez Duccio, un
bacaro (petite taverne du quartier) de San Marco où il se rendait dès qu’il pouvait s’échapper de la vigilance conjugale.
A San MarcoQue ce soit par leur noble employeur, par la piste Germano Sagrado ou tout simplement parce que c’est là que l’épidémie semble être née, il est inévitable que les personnages aillent enquêter du côté de ces quelques rues situées à l’ombre du campanile.
Sur place, l’émotion est grande. Les gens sont inquiets. Beaucoup parlent, d’autres font leur paquetage et partent momentanément du quartier. On dit ainsi que dans les parages tous les nobles (sauf Patrizio Cosenza, donc) ont mis les voiles à l’annonce des premières victimes. Quant aux juifs, ils sont désignés comme coupables par certains esprits forts : après tout, de nombreuses familles patriciennes (les Loredan mais aussi les Contarini, les Cosenza et autres familles nobles du quartier) n’ont-elles pas justement des médecins juifs ? Tout se passe comme si « elles savaient ». Comme si des personnes « bien renseignées » les avaient prévenues à temps… Bref, les théories du complot vont bon train dans le quartier.
Les PJs n’auront aucun mal à se faire indiquer les nombreux logements ayant été touchés par la peste. Ils sont fort concentrés sur quelques modestes
calle toutes situées grossièrement entre le
campo Manin et le
campo San Luca. Les PJs pourront noter dans ce périmètre deux lieux qui pourront plus particulièrement les intéresser : la
bacaro de Duccio… et la
Ca’Loredan, le
palazzo de leur adversaire dans le scénario « Un c(h)oeur plein d’illusions » !
Alors qu’ils se demandent peut-être si tout cela est coïncidence ou non, un des voisins interrogés accoure à nouveau vers eux pour leur signaler qu’un nouveau cas vient de se déclarer à deux pas de là !
Medici della pesteSi les PJs se rendent à l’endroit indiqué (un appartement très modeste au dernier étage d’un immeuble décati), ils auront la surprise d’y trouver, déjà, deux gardes de la Sérénissime chargés de barrer la route aux curieux de leur sorte. Toutefois, le destin va leur tendre une perche sous la forme d’un bref quiproquo. Notons toutefois que cela ne peut fonctionner que si les PJs appartiennent à une classe sociale plus élevée que le tout venant du quartier (ce qui est très probable).
Avisant les PJs et leur mise, un des gardes, rendu visiblement nerveux par le climat tendu de ces derniers jours, s’adresse vivement à eux : « vous êtes les médecins que l’on a fait quérir? ». Lui donnant une bourrade, l’autre intervient : « Mais non,
stupido ! Si c’était eux, ils auraient déjà revêtu leur costume. Tu n’aurais eu aucun mal à les reconnaître dans leur accoutrement ! (s’adressant aux PJs) Excusez-le, mes seigneurs… ».
Si il est visiblement impossible d’entrer pour enquêter, il y a peut-être un moyen audacieux de contourner l’obstacle : se faire passer pour des médecins. En effet, sous le célèbre costume des
Medici della peste, couramment porté par les praticiens en cas de risque épidémique, bien malin celui qui pourra reconnaître qui que ce soit ! En effet, depuis le 16ème siècle, les médecins chargés d’approcher les victimes d’infections contagieuses ont pris l’habitude de porter un costume composé d'une veste noire en toile cirée et parfumée de bais de genièvre. Ils portaient également des gants, un masque avec un emblématique nez crochu qui couvrait le visage et les cheveux et qui contenait des antidotes aromatiques.
Si les PJs optent pour ce plan, ils peuvent soit se débrouiller pour trouver très vite un ou plusieurs de ces costumes (même un costume de carnaval fera l’affaire pour tromper les gardes). S’ils ont encore moins de scrupules, ils peuvent attendre les vrais médecins et les séquestrer ou les assommer pour leur dérober leurs costumes. Dans ce cas, d’ailleurs, le crime paye. En effet, si les PJs se contentent de trouver d’autres costumes, ils passent sans encombre les gardes, bénéficient de précieuses minutes pour mener leurs investigations dans l’appartement… mais finissent par se retrouver nez à nez avec les vrais médecins ! Leurs costumes fantaisistes et leur probable méconnaissance des usages médicaux (voire du latin…) risquent vite de faire tourner la scène à la farce les forçant à s’échapper au plus vite.
Supposons toutefois qu’ils aient eu le temps d’obtenir quelques renseignements sur place. La victime de l’épidémie est cette fois-ci une femme d’une trentaine d’années prénommée Agnese. Elle possède plus ou moins les mêmes symptômes que Germano Sagrado. A en croire l’intérieur qu’elle occupe avec son mari et son nourrisson, la jeune femme est peu fortunée. Son mari, Luigi, est non seulement éploré mais aussi vraiment dubitatif : depuis les premières rumeurs d’épidémie, il a interdit à sa femme (qui n’a pas d’emploi) de sortir. A sa connaissance, ils n’ont pas non plus reçu qui que ce soit chez eux. Seul lui est allé et venu pour aller travailler (il cure les canaux) et ramener de la nourriture, du vin et de l’eau. Si cela intéresse les PJs, il peut montrer la grande jarre qu’il a acheté à un porteur d‘eau local, Carlo Montolivo. Si, là aussi, les PJs le demandent explicitement, il avouera préférer habituellement le vin à cette mauvaise eau vendue à prix d’or. Et, bien évidemment, son jeune fils ne consommait jusqu’ici que le lait du sein maternel. S’ils le désirent, les PJs peuvent emporter avec eux la jarre ou, au moins, un échantillon de cette eau suspecte.
Faute de plan audacieux et amusant, les personnages pourront toujours obtenir quelques uns de ces renseignements, à la discrétion du MJ, par une austère enquête de voisinage ou par la corruption des gardes ou des médecins.
Le porteur d’eauSi les PJs ont réussi à enquêter chez Agnese et Luigi, ils voudront sans doute retrouver Carlo, le porteur d’eau. Mais d’autres pistes pourraient tout aussi bien les y amener. Ainsi, Duccio, le patron de taverne (qui reconnaît sans difficulté avoir eu Germano comme fidèle client), pourra expliquer que l’eau est devenue si rare à Venise qu’il en vend aussi bien que du vin dans son
bacaro. Il s’en procure justement auprès de Carlo Montolivo qui est, d’après lui, un brave garçon. Enfin, une lente enquête auprès de l’entourage de nombreuses victimes anonymes pourront tout aussi bien amener à cette même constatation : de nombreuses victimes ont bu l’eau vendue par Carlo.
Le porteur d’eau est connu comme le loup blanc dans cette partie de la ville et les PJs n’auront aucune difficulté pour le localiser : il se tient comme à son habitude, entouré de plusieurs jarres et seaux remplis de la précieuse eau, tout prêt du
palazzo Contarini del Bovolo (rendu célèbre par la fameuse tour hélicoïdale connue de tous les voyageurs). Toutefois, au moment où arrivent les PJs, ils trouvent le pauvre Carlo bien mal entouré : une nuée de jeunes gens surexcités s’en prennent physiquement à lui, lui lançant des ordures et des pierres, le traitant de complice des juifs voire de juif lui-même. Bref, la foule a eu tôt fait d’arriver aux mêmes conclusions que les PJs ! Ces derniers vont devoir intervenir, soit par des trésors d’éloquence, soit, plus vraisemblablement, physiquement, s’ils veulent pouvoir interroger le porteur d’eau qui, sinon, sera à ajouter à la liste des victimes de ces tristes évènements en plus de la cinquantaine de malades et de quelques juifs malchanceux…
Si les PJs arrivent à sauver Carlo et à échapper à leur tour à la foule mécontente, ils trouveront un porteur d’eau effrayé et reconnaissant qui, visiblement, n’a ni les capacités intellectuelles, ni l’envie de faire de gros mensonges. Il ne comprend sincèrement pas ce qui se passe. Si on lui demande d’où vient son eau alors qu’elle est si rare à Venise et que, manifestement, il n’a pas les moyens d’aller et venir de Mestre, il avouera sans peine qu’il a bénéficié de ses excellentes relations de camaraderie avec plusieurs des domestiques de la
Ca’Loredan pour pouvoir y puiser l’équivalent de plusieurs dizaines de jarres et de seaux qu’il a ainsi pu mettre en vente à un prix fort intéressant dans tout le voisinage.
Autour de la Ca’LoredanQu’ils y viennent suite aux déclarations du porteur d’eau ou simplement pour voir si la présence des Loredan au milieu de cette histoire n’est que pure coïncidence, il est probable que les PJs ne tardent pas à s’intéresser au
palazzo du
ser Loredan. Il est important à ce stade de notre histoire de bien se remémorer les relations entretenues par les PJs avec l’entourage des Loredan à l’issue du scénario « Un c(h)oeur plein d’illusions ». Il est peu probable qu’ils soient vraiment les bienvenus au
palazzo. Au mieux, ils peuvent y être des inconnus ; au pire, d’irréductibles ennemis ; si tel est le cas, pénétrer dans le palais est vain et il faudra s’en tenir à interroger le voisinage.
Le
palazzo est particulièrement calme : personne n’y entre ni n’en sort. Comme pour bien des maisons patriciennes du quartier, les propriétaires ont donné congé à la plupart des domestiques et sont partis eux-mêmes se mettre à l’abri, en l’occurrence dans leur opulente villa palladienne sur le canal de la Brenta pour les Loredan. Il ne reste que deux domestiques qui font office de concierges et de vigiles pour écarter les opportuns… dans le style des PJs par exemple !
En ce qui concerne l’approvisionnement en eau du
palazzo, des renseignements pourront être obtenus de visu pour les PJs qui pourront entrer ou tout simplement en interrogeant des voisins ayant l’habitude de livrer ou de travailler à l’intérieur du palais. Comme tous les
palazzi de ce type, celui des Loredan possède une cour intérieure et, au milieu de celle-ci, un puits. Toutefois, tout noble que soit ce puits, il subit comme ceux du commun la sècheresse. Conscient que son quasi épuisement rendait cette eau de moins en moins saine (et agréable à boire…), les maîtres ont fait cesser son utilisation et ont sollicité, pour l’entretien de toute la maisonnée, les citernes ayant récolté l’eau de pluie durant la saison froide. Etablir que les domestiques ont ensuite laissé Carlo s’approvisionner au puits en échange de quelques piécettes est plus difficile mais, en tout cas, tous les renseignements que pourront glaner les PJs (l’amitié entre Carlo et certains domestiques notamment) seront compatibles avec cette hypothèse.
S’ils en ont l’idée, il sera aisé aux PJs de se renseigner sur la présence éventuelle de juifs dans l’entourage des Loredan : Abram Errera est le médecin attitré de toute la famille. Et, en effet, il est venu, en compagnie de son jeune assistant pour ausculter le maître (pour des maux de ventre bénins…) très, très peu de temps avant que les manifestations de la « peste » ne commencent… au point que s’en est troublant !
Retour au GhettoQu’ils aient un nom précis en tête ou qu’ils y viennent pour rencontrer « des » médecins juifs, les PJs devraient comprendre que, quelles que soient leurs préventions sur le sujet, il faudrait bien associer « juifs » et « peste » pour obtenir le fin mot de l’histoire. Le problème, comme on le sait, c’est que le
Ghetto Nuovo est doublement bouclé, par les émeutiers qui harcèlent ses habitants et par la garde qui tente de les protéger. Les PJs vont donc devoir déployer des trésors d’imagination et d’audace pour parvenir à y pénétrer sains et saufs. Le MJ devra laisser les joueurs mettre en œuvre leurs intuitions ou les contacts de leur personnage mais, faute d’idée, il pourra aussi leur présenter leur vieil ami, le luthier Giuseppe Vicario, comme un possible recours : ouvert et tolérant, l’homme est réputé pour entretenir des relations amicales avec plusieurs juifs musiciens du Ghetto (voir paragraphe
ad hoc ci-dessous).
Quel qu’en soit le procédé, les PJs devraient pouvoir finir par entrer (sans doute nuitamment) dans le Ghetto désert. Sur place, il faut encore pouvoir approcher des juifs apeurés et, pour la plupart, enfermés à double tour chez eux. Si cet obstacle est levé, il n’est plus très compliqué de se faire indiquer l’appartement occupé par le médecin de la famille Loredan, Abram Errera. Le vieux médecin, se sentant traqué depuis une semaine, s’effondrera aux premières questions des PJs et leur dira tout ce qu’il peut savoir de la véritable histoire (voir ce paragraphe, ci-dessous). Il peut aussi indiquer dans quel appartement (celui de ses parents, en fait) du
Ghetto Nuovo se terre Menachem, son jeune apprenti, qu’il a évidemment chassé sans ménagement après avoir découvert son impardonnable faute. Abram tentera de se justifier à propos de son silence aux autorités : il est à l’entendre un « brave juif » qui a toujours respecté les lois de la Sérénissime mais il estimait que dénoncer un jeune juif ayant empoisonné un puits était faire peser une menace mortelle sur sa communauté. Depuis, il se terre là, se rongeant les sangs.
La véritable histoirePendant assez longtemps (des années ou seulement quelques mois en fonction du choix de la date exacte du scénario), la disparition de son fils Cosimo n’a inspiré que du chagrin à Giuseppe Vicario. Puis, la vérité, sans doute apportée par les PJs lors du scénario « Un c(h)oeur plein d’illusions » a, petit à petit, transformé son état d’esprit. Plus que Dieu ou le destin, n’était-ce pas ce vieux monstre de Nazario Loredan qui était seul responsable de ses malheurs ? Une haine implacable mais, heureusement, jusqu’ici impuissante, fit peu à peu place au chagrin dans le cœur du vieux luthier.
Le démon se présenta un beau jour sous les traits angéliques d’un jeune juif de 16 ans, Menachem. Celui-ci était un passionné de musique et rêvait de devenir un jour violoniste professionnel. Pour commencer, il venait déjà rêver devant les magnifiques instruments sortis de l’atelier de Vicario, réputé dans le Ghetto pour faire bon accueil aux juifs. Le vieil homme, définitivement marqué par la mort cruelle de son fils, se prit d’affection pour le jeune garçon et en apprit plus sur son compte. A son grand regret, ses parents l’avaient placé comme apprenti auprès d’un médecin, Abram Errera, dans l’espoir qu’il puisse lui aussi, un jour, suivre des études médicales. Hélas, porter les sacoches de médecines de son maître ne l’intéressait pas plus que de devenir un jour médecin ou apothicaire. Seule la douce musique des violons avait droit de cité dans son cœur.
Tout bascula dans l’esprit de Giuseppe Vicario le jour où, fortuitement, le jeune Menachem lui révéla que son maître était le médecin attitré de la puissante famille Loredan. En quelques instants, le luthier vu distinctement, les yeux embrumés d’une haine malsaine, le jeune homme verser pour son compte quelques gouttes de poison dans les carafes et les verres de Nazario et de sa famille honnie. Aussitôt, il entreprit de faire au jeune homme un portrait au vitriol (c’est le cas de le dire !) du patricien… encore pire, si cela est possible, que la vérité ! Un jour, l’estimant assez mûr, il lui mit un machiavélique marché entre les mains : si Menachem acceptait d’être le bras armé de sa vengeance, il lui offrirait non seulement le plus beau de ses instruments mais il lui garantissait, grâce à ses relations, de pouvoir suivre les meilleurs cours de musique qu’il était possible de recevoir dans tout Venise et, par conséquent, dans le monde entier.
Bien sûr, le jeune homme, effrayé, hésita mais tout sembla finalement très facile quand le luthier lui remit deux grosses fioles de produits chimiques prises dans son atelier (de l’arsenic qui lui sert pour traiter le bois contre les insectes ainsi que de l’huile de vitriol utilisée pour blanchir les os dont le luthier se sert pour fabriquer sa colle). Il n’avait qu’à verser dans un endroit judicieux quelques gouttes d’un des ces produits et l’affaire était entendue. Il les prit donc. Hélas, une fois entré dans la
Ca’Loredan à l’occasion d’une visite de routine de son maître, les choses parurent beaucoup plus compliquées : il s’agissait de tuer un homme qui était devant lui, bien vivant. Et quand bien même ! Comment faire pour échapper à la vigilance du
ser Loredan, de son maître ou même des domestiques qui grouillaient dans le
palazzo. Pris de panique, Menachem invoqua un soudain malaise pour aller prendre l’air dans la cour ; là, il avisa le puits, désormais désaffecté comme la plupart des puits vénitiens ces jours-ci. Sans réfléchir aux possibles conséquences de son geste, il l’utilisa pour se débarrasser discrètement des fioles données par Vicario.
L’hypothèse VicarioA un moment ou un autre, il est fort possible que les PJs cherchent à rencontrer leur vieil ami le luthier. Cela peut être à la toute fin de l’intrigue pour lui demander des explications sur les déclarations accusatrices de Abram Errera. Cela peut être pour voir s’il peut avoir un lien avec les choses étranges qui se passent à la
Ca’Loredan. Cela peut être aussi pour profiter de ses contacts dans la communauté juive (voir plus haut).
Une autre hypothèse est à envisager. Si les personnages ont réussi à faire des prélèvements d’eau à la
Ca’Loredan ou chez les victimes de l’ « épidémie », ils pourront profiter des développements récents de la chimie expérimentale, alors en plein essor. Si les PJs peuvent confier ces échantillons à un chimiste de leurs connaissances, celui-ci pourra établir avec certitude que cette eau a été empoisonnée par un produit extérieur et non contaminée par une quelconque maladie. Il sera impossible au chimiste d’établir avec précision la nature du (ou des…) produit en question mais, avec une description précise des symptômes des malades, il émettra l’hypothèse d’une présence abondante d’arsenic, utilisé couramment comme base d’insecticide par tous les métiers en relation avec le bois… et notamment en lutherie ! L’indice est mince mais, croisé avec le nom de Loredan, il pourrait faire tilt chez les PJs.
Comme on le sait, les PJs n’ont plus guère de relations avec l’artisan, devenu acariâtre et ne sortant plus très souvent de chez lui. Pourtant, surprise ! , il ne se trouve actuellement pas à son domicile. Celui-ci est totalement désert (et d’ailleurs fermé à clef). Même la brave Rosina n’est plus là, partie depuis plusieurs mois, lassée par les accès d’aigreur de son ex-compagnon. Si les PJs le cherchent spécifiquement, ils ne trouveront aucune trace de poisons dans l’atelier. Il est vrai que tous ces flacons poussiéreux semblent avoir connu un certain remue-ménage ces derniers jours…
Une rapide enquête auprès du voisinage permettra d’avoir la confirmation du départ précipité de Giuseppe, il y a maintenant deux semaines (donc plusieurs jours avant le début de l’ « épidémie »). Alors qu’il ne sortait jamais, il est subitement parti « en voyage d’affaires », selon ses dires. Il a beaucoup insisté auprès du voisinage pour dire qu’il partait rendre visite à un confrère à Raguse mais qu’il serait de retour d’ici 8 à 10 jours. Ce soudain départ pour une si courte période a bien surpris le voisinage, habitué à voir le vieil acariâtre rester enfermé dans son atelier. Il ne s’agit, en fait, pour l’inspirateur de l’empoisonnement, que de peaufiner son alibi. En s’absentant pendant le déclenchement de l’empoisonnement, il espère éviter le moindre soupçon. Toutefois, le fait qu’il ne soit pas encore rentré risque de se retourner contre lui : son absence devient louche (voir paragraphe ci-dessous).
Si, enfin, des questions précises sont posées dans ce sens, certains voisins indiscrets confirmeront avoir souvent vu ces derniers temps un jeune juif inconnu rendre visite au luthier ; ils restaient ensemble enfermés pendant des heures à faire ou dire on-ne-sait-quoi…
Cas de conscience et dénouements Il est peu probable que les PJs arrivent à reconstituer dans ses moindres détails toute la complexité de cette histoire. Toutefois, il est envisageable qu’ils puissent sans trop de mal établir les faits suivants :
- il n’y a pas plus de risque d’épidémie que, bien évidemment, de complot juif.
- le puits des Loredan et les réserves d’eau commercialisées par Carlo Montolivo sont empoisonnés et représentent un danger sanitaire pour encore plusieurs dizaines de personnes qu’il est encore temps de sauver.
- leur ami Giuseppe Vicario a un rôle trouble dans toute cette histoire.
- un ou des juifs sont bien à l’origine, directement ou indirectement, des morts et des malades de San Marco.
Selon la porte d’entrée des PJs dans l’intrigue, leurs réactions à ces faits pourront être des plus divers. Ainsi, des PJs cyniques et peu sensibles aux souffrances du commun pourraient se contenter de prévenir les Cosenza (si c’est bien leur employeur) de ne pas boire d’autre eau que celle de leurs citernes. Des PJs revanchards et tortueux pourraient tenter de faire accroire à un complot fomenté par les Loredan puisqu’il peut être établi que tout vient de leur entourage (le puits, le médecin…).
Toutefois, il est deux développements qui ne peuvent échapper à aucun groupe de PJs quel qu’il soit.
Premièrement, le sort des juifs. Révéler d’une façon ou d’une autre la vérité est, d’un côté, disculper la communauté juive de toute accusation d’un vaste complot d’empoisonnement des puits des chrétiens. D’autre part, c’est désigné un coupable juif à la vindicte populaire. Or, aveuglés par la haine et l’ignorance, bien des émeutiers auront tôt fait de voir dans la révélation du coupable, tout au contraire, la preuve irréfutable de la culpabilité de TOUS les juifs du Ghetto. C’est d’ailleurs cette crainte, on l’a vu, qui a retenu le médecin de dénoncer son apprenti aux autorités. Les PJs, à leur tour, devront bien peser le pour et le contre avant de décider de faire quelque usage que ce soit de la vérité.
Deuxièmement, l’implication de Giuseppe Vicario. Des soupçons pèsent sur lui et son absence très inhabituelle le rend encore plus suspect. Que faire ? Aller à son secours au nom d’une amitié indéfectible ? Le dénoncer ? Le convaincre de se livrer lui-même aux autorités ? Un second cas de conscience se présentera donc aux PJs.
En préalable à toute décision concernant le luthier, il faut d’abord découvrir où il se trouve. De fait, Giuseppe ne se trouve ni à Raguse (où il n’a fait qu’un aller et retour express pour donner le change), ni en fuite. Il est tout simplement à Venise… en quarantaine ! En effet, comme on le sait déjà, les autorités de la Dominante ont décidé quelques mesures spectaculaires pour calmer la foule. Parmi celles-ci se trouvent des mesures de quarantaine sélective. Certains navires, désignés comme « suspects », sont maintenus à quai, le long de l’île de
Lazaretto Nuovo, jusqu’à ce que la foule s’apaise. Parmi les critères retenus se trouvent le fait de transporter des passagers, de venir de l’Orient, de transporter des céréales ou autres denrées à risque. Les mauvaises langues ajoutent toutefois que n’être pas armé par un patricien influent est le principal critère vous faisant désigner comme « navire suspect » ! Toujours est-il que La sardina, le petit navire emprunté par Vicario pour revenir de Raguse a été désigné comme tel et est, depuis deux ou trois jours, à l’ancre avec interdiction à quiconque de descendre… ou de monter ! Trouver le luthier et communiquer avec lui sera donc pour les PJs presque comme une nouvelle aventure…
PS : euh, pour les caractéristiques des PNJs, envoyez donc - à nouveau - un MP à Xaramis…
